Puisque l’électroencéphalogramme de la campagne reste désespérément plat, j’ai envie de m’intéresser un instant au jeu d’acteur et au mouvement de renouvellement du personnel politique qu’elle pourrait traduire.
Chaque élection voit en effet des personnalités disparaître du jeu et d’autres émerger. L’élection de 2002 a décapité la Gauche plurielle. Robert Hue a disparu du paysage. Dominique Voynet et Jean Pierre Chevènement ont été contraints à une longue traversée du désert suite à de sévères défaites dans leur fief. A droite, elle a vu la fin d’Alain Madelin et avec lui d’un courant spécifiquement libéral, ainsi que de Charles Pasqua et la disparition d’un courant gaulliste avant que Nicolas Dupont Aignan ne tente de le ressusciter. 2002 a vu également l’émergence d’Olivier Besancenot à gauche et de Nicolas Sarkozy à droite qui s’est imposé dès le lendemain de l’élection comme ministre superstar.
La campagne 2007 entraînera très certainement son lot de tops et de flops. Les scores du premier tour marqueront la fin de certaines carrières politiques ou de belles surprises prometteuses pour l’avenir. L’entre deux tours pourra entraîner des recompositions profondes du paysage politique. Mais nous n’en sommes pas encore là. Je ne vais pas me livrer à des tentatives de divination sur le futur score des candidats.
En revanche, une campagne ne mobilise pas que les candidats. Elle expose aussi leurs entourages et d’une manière générale toutes les figures de la vie politique. La campagne 2007 est marquée par une extrême personnalisation de la campagne. Aucun candidat ne s’appuie sur des lieutenants de poids avec lesquels ils pourraient dessiner des tickets ou sur des équipes prêtes pour le lendemain de l’élection. Personne ne perce vraiment dans le sillage de Sarkozy, de Royal ou de Bayrou.
Il est néanmoins possible d’identifier d’ores et déjà quelques révélations, quelques personnalités qui ont raté leur campagne et qui auront du mal à s’en relever et d’autres qui s’en tiennent prudemment encore à l’écart en attendant des jours meilleurs.
Première partie : Les révélations :
Henri Guaino ou l’homme qui peut faire gagner Sarkozy
Avec son image de « néoconservateur à passeport français » Sarkozy était condamné à plafonner à 20% au premier tour sans avoir aucune chance de l’emporter au second. Aujourd’hui, il apparaît comme un candidat s’inscrivant dans une tradition gaullo-bonapartiste : Il fait l’éloge du monde ouvrier, critique contre l’Europe et la mondialisation, pourfend le capitalisme financier et fait l’éloge d’un Etat fort. Cette mue, initiée dès le discours de Nîmes en Mai 2006, c’est à Henri Guaino qu’il la doit.
Cette évolution de Sarkozy a surpris tous les observateurs. Ils n’ont voulu y voir dans un premier temps qu’un positionnement tactique destiné à fournir un emballage présentable à un programme de droite classiquement libéral. L’alliance entre Sarko l’Américain et ce souverainiste fiévreux, ancien collaborateur de Philippe Seguin paraissait en effet tout à fait improbable. Aujourd’hui le doute plane tant Sarkozy se sent à l’aise dans son nouveau costume bonapartiste. Henri Guaino, qui est longtemps resté dans l’ombre du candidat, relégué dans un rôle de « plume », est de plus en plus mis en avant. Il enchaîne les apparitions dans les médias où il met son incontestable sincérité au service du candidat. De plus en plus, il apparaît comme la véritable tête pensante de la campagne. En cas de victoire, il sera très certainement l’un des hommes clé du futur régime sarkozien.
Il est jusqu’à ici « l’homme de la campagne », celui qui aura transformé Sarkozy en candidat présentable en lui greffant une colonne vertébrale idéologique parfaitement républicaine, qui jusqu’ici faisait cruellement défaut au « narcisse agité » fasciné par le modèle américain. Guaino aura surtout offert à cette misérable campagne, une série de discours admirables qui resteront longtemps comme des références et qui auront permis à Sarkozy, quoiqu’on en pense, de faire une belle campagne, sérieuse et dense.
Guaino a encore un peu de travail pour transformer Sarko en candidat authentiquement gaulliste, mais l’évolution n’est peut-être pas arrivée à son terme … Certains diront que Guaino a gâché son talent en se mettant au service d’un homme aux antipodes de sa culture politique, mais avait-il le choix ?
Marine Le Pen ou le nationalisme a visage humain
Le Front National devait en toute logique disparaître avec son chef charismatique atteint par la limite d’âge. C’était sans compter avec sa fille, Marine. A l’instar de Guaino auprès de Sarkozy, elle est à l’origine d’un recentrage idéologique du FN dans un sens plus républicain. En conduisant le front national à abandonner sa conception ethnique et culturelle de la nation française pour la laisser à Villiers, la préférence nationale en devient une thèse presque acceptable. Débarrassée des outrances de son père, elle est arrivée à faire du FN un parti presque comme les autres.
En 2004, Marine apparaissait encore un peu légère pour s’imposer comme successeur. Aujourd’hui, elle porte à bout de bras la campagne de son père au point d’apparaître comme la véritable candidate. Elle apparaît dans tous les médias avec assurance et caractère, en y développant un discours bien rodé et souvent percutant. Avec elle, il a fort à parier que le FN reste pendant longtemps un acteur majeur de la vie politique française.
L’inconnue est désormais de savoir si le recentrage et la banalisation du FN ira jusqu’à faire accepter avec une alliance avec la droite classique. La question ne devrait d’ailleurs pas tarder à se poser.
Eric Besson ou la grenade dégoupillée
Ségolène Royal avait raison. Personne ne connaissait Monsieur Besson. Personne jusqu’à ce qu’il démissionne du PS avec fracas, en tapant fort et juste sur les insuffisances de la candidate et les limites de sa méthode. Eric Besson est apparu au grand jour à l’occasion de cette séquence. Pourtant nul ne l’a suspecté de carriérisme et d’opportunisme. Il est au contraire apparu comme quelqu’un d’intelligent, de raisonnable et de sincère. Son non, aussi courageux que franc, est de ce qui peuvent fonder un destin.
Désormais libre, il serait un renfort de poids pour Bayrou ou Sarkozy dans la dernière ligne droite ou une personnalité d’ouverture de choix pour l’après élection. La démission de Besson a planté le début de dynamique dans la campagne de Royal qui semblait s’installer après le discours de Villepinte. Un ralliement dans l’autre camp serait un coup fatal qui donnerait le signal de l’explosion du PS et la marginalisation définitive de la candidate.
Besancenot ou la gauche explosive :
Olivier Besancenot n’est pas, à proprement parler une révélation dans la mesure où il s’est fait connaître en 2002, mais dans cette campagne il a pris une toute autre dimension, en se révélant une bête de média et un redoutable débatteur. Maîtrisant parfaitement son argumentaire et s’exprimant dans une langue fluide et limpide, il est notamment très impressionnant dans ses argumentaires économiques qu’il appuie volontiers par des chiffres et des statistiques de l’Insee. Loin d’adopter une stricte posture morale ou idéologique, comme beaucoup de caciques de la gauche officielle, ses interventions font souffler un vent de renouveau sur le paysage politique français.
On en viendrait même à espérer qu’il finisse par se recentrer et à adopter des solutions plus réalistes pour concurrencer le PS sur son terrain de gauche de gouvernement. La gauche aurait tellement besoin de talents comme lui !
Nicolas Dupont Aignan ou l’héritage un peu lourd à porter
Il fallait être un observateur très attentif de la vie politique pour connaître Nicolas Dupont Aignan avant le début de cette campagne. Jusqu’à il y a peu, il n’était même pas testé dans les sondages. Il faut dire qu’il en fallait du culot pour se présenter à tout juste 45 ans comme l’hériter du général de Gaulle et le successeur de poids lourds comme Jean Pierre Chevènement, Philippe Seguin ou Charles Pasqua, qui étaient tous non seulement des caractères hauts en couleurs mais aussi des « gueules ». A coté, le petit Nicolas, avec son physique de jeune fonctionnaire frais émoulu sorti de l’ENA fait un peu tendre ; en profond décalage avec l’héritage qu’il entend porter, d’autant quand dans cette tradition politique, on n’est pas le porte-parole d’une famille de pensée, on ne peut être que l’homme providentiel, celui qui incarne la France, son histoire et son destin, celui qui lui promet de la guider vers la réconciliation et le sursaut.
Pourtant, il a conduit sa précampagne avec courage et détermination, ne se laissant jamais intimidé par les sarcasmes des journalistes incrédules et souvent hostiles. Il n’appartient définitivement pas à cette nouvelle génération de politiques pour qui les sondages font office de pensée et les conseillers en communications d’intellectuels. Chez Dupont Aignan, le discours ne fait pas que légitimer une posture et n’est pas qu’une succession de slogans. Il parle à l’intelligence du citoyen, du fond, des grands enjeux, de ce qui exige toujours plus de temps que n'accordé par les journalistes. En cela, il est bien un digne héritier de cette tradition politique fait de rigueur intellectuelle et d’exigence morale.
L’honnêteté oblige à reconnaître qu’il n’est pas parvenu à s’imposer. La marche était un peu haute pour lui, au point que je ne sais pas s’il faille lui souhaiter d’avoir ses signatures. Il est à craindre qu’un score dérisoire ne carbonise cette jeune pousse prometteuse. Il doit encore mûrir, dans son être comme dans son programme qui me semble être un décalque trop fidèle du discours chevènementiste d’il y a 5 ans. Cette campagne lui a permis de franchir un cap et a montré qu’il avait le potentiel pour s’imposer un jour au plus haut niveau, en espérant qu’il parviendra à échapper à la malédiction qui a laminé tous les authentiques républicains au cours de la cinquième république. L’élection de Bayrou et la recomposition autour de lui d’une majorité de ventre mou autour des socio-libéraux européistes des deux bords, serait d’ailleurs la meilleure configuration pour lui. Elle lui ouvrirait un boulevard en faisant de lui l’opposant n°1 au nouveau régime.
A suivre ...
Guaino peut beaucoup apporter à la Droite. Mais la Droite libérale va le flinguer si Sarko gagne, après la victoire. Il avait déjà aidé Chirac à gagner : s'il veut exister, il devra donc se montrer malin.
Rédigé par : Toréador | 08 mars 2007 à 09:53
Eric Besson...
Un des anciens dirigeants de Vivendi.
Avec Royal qui paye l'ISF, le socialisme français accorde enfin ses idées et ses revenus.
Rédigé par : bruno | 08 mars 2007 à 11:13
Concernant l'avenir de NDA si l'élection débouchait sur une victoire centriste molle européiste.
Pour faire de la politique il faut:
Des idées.
Des hommes (femmmes).
Des sous.
NDA, comme tous les républicains authentiques risque d'en rester au 1er.
C'est le système qui veut cela, le fait que bayrou se présente comme l'antisystème est à ce niveau du plus haut comique.
Rédigé par : chavinier | 10 mars 2007 à 10:00
- Je ne voudrais pas démolir Eric BESSON mais quand je vois qu'il envisage désormais de reprendre un club de foot en perdition, je me dis qu'il avait vraiment envie de changer d'air. Probablement un effet du surmenage.
- Effectivement, Gaino a changé le discours de Sarkozy, mais comment pouvez vous soupconner qu'il change l'homme ? Il s'agit d'une posture pour gagner et donc capter des voix. La performance, si c'en est une, consiste gagner à la fois les "gaullistes" et de mordre sur l'extrême droite.
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 10 mars 2007 à 13:14
@pmf
Ai-je dit que Sarkozy avait changé ? Non. Il reste un opportuniste avide de pouvoir. Il adopte le discours qu'il pense être le plus efficace pour gagner, comme l'ont fait avant lui, Mitterand en 81 Chirac en 95 ou Fabius en 2005. Le problème de Sarko, c'est que ce qu'il est, est tellement évident que personne ne croit à ce qu'il dit.
Rédigé par : Malakine | 10 mars 2007 à 16:02