Les deux candidats présumés favoris pour le deuxième tour ont fait du soutien à la recherche l’une des premières priorité de leur programme. Voilà une idée simple, consensuelle, qui parle à l’opinion. Elle fait moderne et sérieuse. Elle rassure. Nos gouvernants préparent l’avenir et vont investir pour la croissance et les emplois de demain. Difficile d’être contre …
Que nos deux candidats soient en accord sur ce point ne doit pas surprendre. Il s’agit pour eux d’appliquer la « stratégie de Lisbonne », qui constitue la réponse unique de la pensée unique à la mondialisation. Il faut pourtant se méfier des idées consensuelles et simples. Cette stratégie d’adaptation par l’innovation, pour consensuelle qu’elle soit, n’est pas pour autant à l’abri de toute critique. Je ne vais pas la contester dans son principe - ce serait s’opposer à l’idée même de progrès technologique - mais j’y apporterais trois grosses réserves.
La première tient aux modes de l’action publique. On a une fâcheuse tendance, à répondre aux problèmes de deux manières qui sont sensés les régler par un coup de baguette magique : La loi, quitte à ne la garnir que de droit gazeux et de bonnes intentions (le droit au logement opposable, les violences faites aux femmes …) et l’augmentation des budgets. Dépenser c’est agir. Agir c’est dépenser. C’est bien connu.
La vérité c’est que l’origine des problèmes se trouve souvent davantage dans des questions d’organisation et de structures que dans un manque de moyens. Dans la plupart des cas, l’augmentation des budgets, à organisation constante, ne fait que renforcer les dysfonctionnements et affaiblit encore un peu plus l’inefficacité de la dépense publique. C’est très exactement le cas en matière de recherche.
La deuxième tient à son fondement idéologique. S’il ne s’agissait que de rechercher l’innovation et à accélérer les découvertes scientifiques pour répondre aux grands problèmes de l’humanité, en matière de santé ou d’énergies, il n’y aurait qu’à applaudir. Seulement, il ne s’agit pas de cela. Cette obsession de la recherche est une tentative de réponse aux défis de la mondialisation, et plus particulièrement à la concurrence des pays émergents.
On connaît la chanson par cœur : On ne peut pas résister sur les coûts de production. Le salut passe par l’innovation et la valeur ajoutée. C’est ainsi, et seulement ainsi, que les économies européennes pourront tirer leur épingle du jeu. C’est les théories de l’économie post-industrielle, du savoir ou de la connaissance, la fameuse « stratégie de Lisbonne » qui conduit à vouloir nous spécialiser sur les emplois de matière grise, recherche, conception, développement, marketing et commerce … et de faire notre deuil du reste.
Cette idée est fausse, dangereuse, et inopérante.
Fausse, car ce serait prendre les chinois pour des imbéciles que de penser qu’ils n’auront jamais ni l’envie ni les moyens de nous concurrencer aussi sur ce terrain. La chine est déjà le deuxième pays après les Etats-Unis par le budget qu’elle consacre à la R&D. Nombre de grands groupes ont déjà installé leurs centres de recherche dans les pays émergents. On y trouve des chercheurs et des ingénieurs tout à fait qualifiés et à un coût moindre que dans les pays occidentaux.
Dangereuse car elle suppose l’acceptation du caractère inéluctable départ des activités de production. Or, à moins de fabriquer des logiciels ou toute autre production immatérielle, l’un de va pas sans l’autre. Le passage à l’industrialisation finit toujours par poser la question des coûts. Rares sont les innovations qui proposent un tel saut technologique qu’il est possible de facturer le produit au coût « européen ».
Je citerais un exemple que j’ai connu. Un laboratoire de recherche avait développé en partenariat avec un bureau d’étude local, un nouveau type de moteur électrique. Le bureau d’étude a appliqué cette technologie pour des vélos et des scooters électriques. Problème : les fabriquer en France aurait abouti à des prix inacceptables pour le marché. Les cycles et les moteurs ont dont été fabriqués en Chine. Bilan pour emploi local. Quasi nul.
Cette stratégie créé en fait plus de richesses (en clair, des profits) que d’emplois. Cette soi-disant réponse à la mondialisation ne permettra en aucun cas de remplacer les emplois à faible valeur ajouté, partis dans les pays émergents, par de nouveaux emplois sur des productions à plus fort contenu technologique. C’est une vue de l’esprit. La richesse ainsi gagnée servira, au mieux, à financer les allocations chômage et le RMI des perdants du système. Au final, on voit mal ce que la société peut y gagner.
Inopérante car la structure de la population active en France est très loin d’être prête pour une telle mutation. Les dernières statistiques publiées par l’Insee montre que 20 % de la population n’a toujours aucune qualification (chiffre stable depuis 1999) et que seulement 13% de la population a un niveau supérieur à Bac +2 ! A force de ne fréquenter que des personnes du même milieu, on finit par oublier la réalité sociologique, de notre pays.
De même, la structure urbaine de la France est telle que cette stratégie ne peut produire ses effets que dans quelques rares métropoles. La structure de notre tissu économique n’est pas mieux adaptée à une telle stratégie. Nous n’avons pas, ou très peu, de grosses PME, capable d’innovation et d’exportation. Cela est l’apanage des grands groupes qui ont tout à fait les moyens de développer seul leurs activités de recherche. Notre tissu de PME est essentiellement composé d’entreprises sous-traitantes d’exécution pour lesquels l’investissement dans l’innovation est hors de leur portée.
La troisième réserve porte sur la réalité de la recherche en France et ses liens toujours difficiles avec le monde industriel. Les mondes de la recherche universitaire et de l’industrie sont quasi-étanches. Il ne faut pas croire que l’invention du chercheur se traduise spontanément en innovation industrielle. La plupart du temps, lorsqu’un chercheur a découvert ou optimisé une technologie, il n’a aucune idée de savoir où elle pourrait s’appliquer dans l’industrie, et quand bien même, il ne sait absolument pas comment la commercialiser. Quand à créer son entreprise, inutile d’y penser. Le système universitaire n’incite d’ailleurs, ni aux partenariats avec les entreprises locales (ça fait ringard, ça nuit au rayonnement de l’établissement) ni à la valorisation de la recherche. Les chercheurs sont essentiellement jugés sur leurs publications académiques.
En la matière, la France connaît un gros retard sur tous les indicateurs du développement technologique, en particulier sur le nombre de dépôts de brevets. Beaucoup d’efforts ont été fait depuis quelques années pour rapprocher ces mondes qui s’ignorent trop. Loi Allègre de 1999 sur l’innovation, les pôles de compétitivité, les aides diverses à l’innovation dans les entreprises, l’agence pour l’innovation industrielle etc.
Mais rien n’y fait. Un rapport récent conjoint de l’inspection générale des finances et de l’éducation vient de souligner avec une grande sévérité, l’absence de progrès faits par la France ces dernières années en matière de transfert de technologie. Naturellement les chercheurs en ont contesté les résultats pour affirmer que la recherche était performante mais qu’elle manquait seulement de moyens.
Il existe pourtant des modèles à l’étranger dont on pourrait s’inspirer, notamment les instituts Fraunhofer allemands. Cette société est, de manière très simplifiée, une cellule de valorisation et un centre de recherche appliqué extrêmement professionnel. Elle détecte les inventions transposables dans les laboratoires de recherche, recherche leur applicabilité industrielle, dépose les brevets, développe des prototypes, implante les nouvelles technologies dans les entreprises au moyen de contrats, et même suscite les créations d’entreprises innovantes. Plutôt que de déverser des milliards dans la recherche, sans aucune garantie de retombées économiques, c’est plutôt dans cette direction qu’il faudrait prioritairement investir.
L’essentiel de la population a besoin d’emplois faiblement qualifiés. L’essentiel de nos territoires ont besoin d’activités de production. L’essentiel de nos entreprises ont besoin d’avoir des marchés en croissance. L’essentiel du tissu social et économique du pays a besoin d’une politique macro-économique de soutien à la demande et de protections contre les pays à bas coûts. A Trop insister sur le nécessaire soutien à la recherche, on en arriverait à oublier ces évidences.
1- le but de la recherche scientifique n'a jamais été de produire de plus gros bénéfices pour les entreprises. La seule vrai recherche qui fait faire de grand bonds en avant c'est la recherche fondamentale qui tend à disparaitre pour manque de retour sur investissement. Dans les conditions économiques actuelles il y a peu de chance qu'un nouvel Albert Einstein sorte des laboratoires Occidentaux. Les marchands tuent la recherche scientifique aussi surement que la créativité artistique car ces activités répondent à des critère de qualité et d'esprit trés différent de l'esprit marchand.
2-Les USA prouve par l'absurde l'inéfficacité des politiques dites de compétitivité par l'innovation. Les USA sont le premier investisseur mondiale en R&D et pourtant les produits Hitech représentent maintenant le premier poste déficitaire dans leur balance des paiements. Tout ce passe comme si l'innovation américaine accroit son déficit commerciale pour la raison que vous avez évoqué Malakine, les nouveaux objets de consommation issues de l'innovation sont directement produit dans les pays à bas salaire sans passer par la case délocalisation.
3-Le libre-échange est une théorie faite pour des sociétés agricoles au niveau technique stagnant dans lesquel les avantages comparatifs sont le fruit de la géographie (voir Keynes "L'autosuffisance national" 1932 réédité dans "la pauvreté dans l'abondance"). Elle est inèpte dans des sociétés ou les avantages comparatifs sont contruit et donc varie dans le temps. Elle est en plus profondément raciste dans ses fondements, nous les blancs on fait du hitech, vous les chinois vous faites des pantalons et des sweets.
Rédigé par : Yann | 25 janvier 2007 à 16:37