J’avais envie de commencer l’année par une bonne nouvelle et un article optimiste. Les infos de ce matin m’en ont offert l’occasion avec la publication des statistiques de fréquentation du cinéma en salle. Elles traduisent une progression de la part de marché des films français de 12 points avec un taux de 43 % ! Pour apprécier ce score, il faut le comparer aux chiffres des autres pays européen où la domination américaine sur est quasi-totale. Elle est de l’ordre de 80 % dans des pays comme l’Espagne ou l’Allemagne.
La résistance de notre culture à l’hégémonie américaine constitue l’une des formes parmi les plus réjouissantes de l’exception française. A l’heure où la France recherche sa place dans la mondialisation, notre capacité à produire des produits culturels constitue un véritable atout qui n’est certainement pas suffisamment mis en valeur.
Seul un protectionnisme européen en matière culturelle pourrait favoriser l'exportation des produits culturels et la diffusion de notre culture. Cette poltiique permettrait également de mieux nous prémunir contre l'influence néfaste de la sous culture américaine qui poursuit sa colonisation de nos écrans dans le but d'entretenir la domination des Etats-Unis sur la planète.
Malgré ses bons résultats en France, notre cinéma s’exporte mal, même en Europe. La raison en est simple. Il n’y a pas de marché intérieur de produits culturels en europe. Dans tous les pays d’Europe, France incluse, la consommation de produits culturels se répartit en deux catégories, d’un coté la production nationale, de l’autre la production américaine. Qui est capable de citer le nom d’un acteur allemand, d’une chanteuse russe, d’un groupe de rock polonais, ou d’un intellectuel tchèque ? C’est extrêmement dommage. On se prive certainement de grandes richesses. (1).
La bonne santé du cinéma français est certainement en partie liée à des facteurs culturels mais surtout, à des mécanisme d’aides et de quotas, autrement dit à une politique protectionniste.
La France a été il y a 10 ans le fer de lance de l’exception culturelle. Elle gagnerait aujourd’hui à défendre l’idée d’un protectionnisme européen en matière culturelle en proposant notamment aux autres pays membres d’instaurer des quotas importants, de (de l’ordre d’un quart ou d’un tiers), de diffusion de produits culturels européens non nationaux (2). Cette politique pourrait d’ailleurs être mise en place au niveau de la grande Europe, autant via le conseil de l’Europe que l’Union Européenne.
Ainsi, en obligeant les productions européennes à circuler dans le continent, elle s’ouvrirait un marché immense pour ses films, téléfilms, séries, musiques et pourquoi pas aussi ses livres et sa littérature, qu’elle pourrait d’autant mieux pénétrer qu’elle a la chance d’être encore dotée d’une vraie capacité de production.
Au-delà et sans attendre les quotas, d’autres initiatives pourraient être prises. Au lieu de faire cette chaîne morte née d’information internationale sensée diffuser "le regard français sur l’actualité mondiale", on pourrait plus utilement diffuser des films, séries, et clips en français sous-titrés dans les principales langues de l’Europe. On pourrait même être plus offensif et s'attacher à structurer dans l’une des régions frontalières de l’Est, un pôle de compétitivité centré sur l’échange et la circulation des œuvres européennes, avec ce que cela suppose de traduction, de doublages, de marchés professionnels, de festivals, de localisation de maisons de productions transnationales ect.. En somme anticiper la création du marché intérieur et faire émerger en France le futur Hollywood européen !
Au moment où l’Europe est en crise d’identité et en panne de projets, la culture constitue un champ immense de coopération encore non explorée, et pourrait bien être le pilier qui lui fait le plus cruellement défaut. Il n’y aura jamais d’identité commune et de sentiment de communauté de destin sans un minimum de connaissance mutuelle. L’idée du protectionnisme économique européen ne s’imposera d’ailleurs eu Europe que lorsque les différents pays n’auront plus le sentiment d’être livrés à eux même dans un face à face inégal entre eux le monde, mais bel et bien adossé à une grande puissance.
Il ne s’agit seulement que de préserver une production nationale et européenne cinématographique et audiovisuelle. Il s’agit aussi de lutter contre la domination culturelle des Etats-Unis, car de manière insidieuse, toutes les productions US véhiculent les valeurs dominantes de la société américaine.
Certes, on m’objectera qu’il y a des films américains et des séries de très bonne qualité, mais il ne s’agit là que de quelques arbres qui cachent une véritable forêt de télé poubelle qui prospère sur les chaînes thématiques du câble et du satellite. Le phénomène est particulièrement important sur les chaînes dédiées aux ados, qui actuellement ne se nourrissent plus que de rap et RnB américains, quand ce n’est pas d’émissions de télé-réalité mal doublées. Qui peut sérieusement penser que cela est sans effet sur leur représentation du monde et leur système de valeurs ? Comment ne pas faire de lien, par exemple, entre la montée du communautarisme et la différenciation ethnique dont l’Amérique est pénétrée et qui transpire dans toutes ses productions ?
Cette omniprésence de la sous culture américaine sur les chaînes thématique me paraît tout à fait préoccupante pour la santé mentale de ses téléspectateurs et particulièrement inquiétante en ce qui concerne les ados. Il me semble nécessaire de durcir les quotas pour les nouvelles chaînes (elles bénéficient actuellement d’un régime plus souple), mais aussi d’étendre la notion d’œuvre audiovisuelle à l’ensemble des émissions télévisées, documentaires, musiques et télé-achat compris.
Je ferais également une autre proposition de nature protectionniste, beaucoup plus sournoise, mais certainement plus efficace. Interdire la post-synchronisation pour tous les programmes qui ne sont pas des fictions, et rendre obligatoire le sous-titrage pour les musiques étrangères. Ca m’étonnerait que ma fille continue longtemps à regarder ses émissions de télé-réalité américaines débiles sur MTV si elles étaient diffusées en version originale. Et, si elle continuait, au moins, elle en profiterait pour apprendre l’anglais !
(1) A titre personnel, je n’écoute plus depuis des années que de la pop russe, et je peux vous assurer qu’il y a bien une dizaine de titres par an qui pourrait faire un carton en France. Je ne vois pas pourquoi, il en serait autrement pour les productions des autres grands pays européen.
(2) Actuellement la directive télévision sans frontière impose la diffusion d’une majorité d’œuvres européennes, mais ne distingue pas entre les productions nationales et celles des autres pays membres.
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