Pour un parisien la France, c’est un territoire et une économie un et indivisible dont Paris est à la capitale fois le cœur et le cerveau. Pour un provincial – dont je suis depuis une quinzaine d’année – la France est un ensemble de territoires aux dynamiques de développement hétérogènes. Certains en croissance. D’autres en déclin. La différenciation des dynamiques territoriales s’accélèrent, et va encore s’amplifier dans les années et décennies à venir sous l’influence conjuguée du vieillissement de la population et des mutations économiques.
L’étude que publier l’INSEE sur les projections régionales de population à l’horizon 2030 vient l’illustrer avec une grande force. La presse en a parlé, mais comme d’habitude, elle s’est limitée aux gros titres. Moi, j’ai passé un peu plus de temps pour faire parler les chiffres. Voilà ce qu’ils ont fini par me dire
Les tendances que met en évidence cette étude sont très nettes. Elles sont certainement encore sous estimée dans la mesure où elles se contentent de projeter les évolution constatées dans le passé, et ne prennent pas en compte, ni l’effet accélérateur de la tendance : L’activité allant à l’activité, le déclin dégradant l’attractivité, ni les évolutions prévisibles du modèle économique : désindustrialisation, développement de l’économie résidentielle et des emplois à haute valeur ajoutée.
L’enjeu urbanistique
Les chiffres auxquels arrive l’INSEE sont édifiants. Quand la France dans son ensemble verrait sa population augmenter de 10%, les régions du sud connaîtraient des augmentations doubles ou triples : 32 % pour Languedoc-Roussillon, 21 % pour Midi-Pyrénées, 18 % pour PACA. Voir infographie.
Les chiffres sont plus parlants en valeur absolue. Dans les 25 prochaines années, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et PACA devront accueillir plus d’un million d’habitants supplémentaires, et l’Ile de France plus d’un million et demi !
A l’autre extrémité, quatre régions verraient leur population légèrement diminuer (Lorraine, Bourgogne, Champagne Ardennes et Auvergne).
Ces accroissements de population constitue un véritable défi en terme d’habitat et d’urbanisme, d’autant plus que l’accroissement de la demande en logement est toujours supérieure à celle de la population compte tenu du développement du célibat et des divorces. Il serait bon de se poser dès maintenant la question de savoir quel sera l’impact de cet afflux de population les territoires, si l’on veut éviter de reproduire les erreurs du passé. L’exode rural et les grandes vagues d’immigration des trente glorieuses ont en effet été gérés de manière catastrophique avec la création des grands ensembles, qui sont devenus les quartiers de relégation que l’on connaît aujourd’hui.
Il faut éviter de refaire des villes ghettos, catastrophique sur le plan social, ou de la périurbanisation à l’infini, catastrophique sur le plan environnemental et des transports, il n’y a que deux solutions. Densifier considérablement les villes existantes ou en construire de nouveaux centres urbains ou de nouvelles villes dans une logique de métropole en réseau.
L’enjeu économique :
La deuxième grande tendance est naturellement le vieillissement de la population. Pendant ses 25 prochaines années, l’âge moyen du pays va passer de 39 à 42.6 ans. Augmentation mesurée en apparence, mais qui ressort mieux lorsqu’on examine le poids de chaque classe d’age. Il y a actuellement 38.3 seniors (+60) pour 100 actifs (20/59). Il y en aura 60.9 en 2030 ! La part des seniors va passer de 21 à 30 %
Ce vieillissement généralisé aura aussi un impact sur la population active, celle qui fait la croissance. Globalement elle devrait légèrement baisser de 2 % soit de 600 000 actifs. Il ne faut donc pas s’attendre à des taux de croissance mirifiques ! On ne connaît d’ailleurs pas encore bien l’impact qu’aura la diminution de la population active. C’est en effet une nouveauté absolue en tant de paix. L’Insee estime qu’elle a un effet positif sur le chômage lorsqu’elle est mesurée, comme en ce moment, mais peut avoir un effet récessif si elle est plus marquée.
A mon sens, pour déterminer son impact sur le chômage et la croissance, il convient d’examiner le phénomène à une échelle territoriale plus fine car les disparités seront grandes. L’Ile de France, avec sa population jeune, soutenue par un fort solde migratoire, la population active continuera de progresser de 4% soit environs 280 000 actifs. En revanche, elle va s’effondrer dans les régions dont la population diminuera. Elle accusera une chute de 15 % pour Champagne-Ardennes et la Lorraine, soit une perte de 187 000 actifs pour cette dernière, c’est à dire l’équivalent de toute l’agglomération messine. Plus qu’une réduction du chômage, on pressent là un déclin économique accéléré.
C’est ce que j’appelle l’effet accélérateur de la tendance. Si la croissance économique est négative en raison de la diminution de la population active, l’attractivité de la région, qui n’est déjà pas brillante, en souffrira, ce qui freinera les créations d’emplois et incitera les jeunes à s’expatrier.
Quelle réaction politique face aux mutations démographiques annoncées ?
Drôle de question n’est ce pas ? Le monde bouge, la société se transforme, des mutations importantes sont annoncées, mais le système politique persiste à ne se déterminer que compte tenu de l’état actuel de l’opinion, quand ce n’est pas au regard de phénomènes que les statistiques ont déjà mesurés.
Le système politique – en tout cas notre système politique – est rigoureusement incapable de prévoir et de préparer l’avenir. Que faut-il faire ?
- Faut-il accepter les processus ? La mort annoncée des régions du nord est de la France et l’urbanisation massive du littoral méditerranéen. S’efforcer d’accompagner les mutations, par des opérations d’urbanismes innovantes dans le sud et l’ouest de la France, et des aides à la mobilité dans les régions en perdition ? Notons que la commission européenne a de telles mesures dans les cartons. Elle vient de se doter d’un fond d'ajustement à la mondialisation qui intègre une telle mesure.
- Faut-il croire aux vertus régulatrices du marché ? Les régions dynamiques devant perdre en attractivité à mesure que les temps de transports et l’augmentation des loyers rendront la vie impossible à leurs habitants, et les régions en déclin devant redevenir attractives pour les raisons inverses ?
- Faut-il abandonner ce sujet aux régions en leur confiant la responsabilité et les moyens d’accompagner ou de lutter contre ses évolutions ?
- Faut-il au contraire remettre en place une politique volontariste d’aménagement du territoire pour juguler la perte de substance des régions en déclin par des implantations exogènes (urbaines ou industrielles), et limiter par des mesures fiscales ou règlementaire le développement des zones les plus attractives ?
Deux logiques s’opposent. La logique libérale qui voit le monde comme une vaste compétition et où le meilleur ne doit jamais être freiné par les plus faibles, et la logique égalitaire qui reconnaît un même « droit à l’avenir » aux différents territoires.
En tout état de cause, c’est un sujet sur lequel il convient de se pencher. Il faut de temps en temps regarder l’horizon. Et l’avenir, il ne faut pas seulement se contenter de le désirer. Il faut aussi le préparer. C’est la noblesse de la politique. La vraie
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