Toute pensée politique est structurée par un évènement, une analyse, un sondage qui entraîne prise de conscience et suscite une réflexion nouvelle. Pour François Bayrou, c’est la tentative d’OPA dont a été l’objet l’UDF au moment de la création de l’UMP et le cruel constat qu’il n’y a pas de place pour un parti centriste dans le jeu politique tel qu’il est structuré par les modes de scrutins actuels !
Depuis 2002, son seul souci est d’exister, envers et contre tout. Pour cela, il ne recule devant aucune énormité. Après avoir présenté l’UMP comme un « parti unique » et la survie de l’UDF comme le dernier rempart du pluralisme politique, il entend désormais prendre la pose du rebelle anti-système, et même de concurrencer Le Pen sur ce créneau.
Pathétique. Jamais on aura vu à ce point un homme politique obsédé par son propre avenir. Jamais on aura vu un parti faire de ses conditions d’existence l’alpha et l’oméga de ses analyses, de ses propositions et de son combat. Jamais une candidature présidentielle, n’aura été à ce point symptomatique de la rupture démocratique, de l’enfermement de la classe politique dans un jeu clos, totalement déconnecté des vrais problèmes et de l’action.
L’analyse de Bayrou prend appui sur les thèses déclinistes. Mais quelle est pour notre rebelle centriste la cause de ce déclin ? La mondialisation libre-échangiste ? L’Europe qui ouvre notre économie aux quatre vents ? L’immigration ? Le modèle social français qui encourage l’assistanat et renchérit de manière excessive le coût du travail ? Une compétitivité insuffisante due à un manque d’efforts dans l’enseignement et la recherche ? Non, non … Rien de tout cela. La cause du déclin de la France pour Bayrou, c’est le bipartisme ! Nos gouvernants « perdus dans leurs querelles » n’ont, selon, lui, pas le courage nécessaire. Et toujours selon lui, le bipartisme alimente une « guerre civile ridicule et sourde d’une moitié du pays contre l’autre »
Non, mais sérieusement ?! Ca vous empêche de bosser, vous, que votre patron ou vos collègue soient de l’autre bord ? Cette vision de la société qui résume le travail du pays à celui de sa classe politique est vraiment insupportable d’égocentrisme !
Et depuis quand les critiques de l’opposition ont-elle empêchée le gouvernement de gouverner ? Depuis quand un gouvernement a passé son temps à défaire ce que le précédent avait fait ? Est-ce que Jospin est revenu sur la Réforme des retraites de Balladur ? Est-ce que Raffarin a remis en cause, le PACS, la parité, les 35 heures dans le secteur public, ou toute autre super réforme du gouvernement Jospin ? Son analyse est complètement en décalage avec la réalité. Aujourd’hui, le vrai problème de la démocratie est inverse. C’est l’absence de vrai clivage entre gauche et droite. Au pouvoir, leur action se ressemble trop. C’est cela qui désespère le peuple et fait monter les extrêmes.
Sur le fond, on a beau tendre l’oreille, on n’entend aucune critique sur les fondamentaux du système. Juste quelques portes ouvertes enfoncée de manière véhémente, comme s’il venait de faire tomber des vieux tabous : C’est l’économie qui créé des emplois. La discrimination, c’est pas bien. Les petites entreprises crèvent sous la paperasse, les jeunes des cités sont français, les petites entreprises n’ont pas accès aux marchés publics. Il faut donner du travail aux RMIstes … Voilà des orientations puissantes qui vont relever le pays !
Ce que souhaite Bayrou, c’est de poursuivre la même politique, mais sans clivage. Son rêve est de rassembler derrière son panache blanc, les meilleurs de droite et de gauche pour conduire une politique à partir de « principes simples » et « d’objectifs raisonnables ».
Quand Sarkozy nous propose de rompre avec la France d’aujourd’hui. Royal avec le désordre injuste, Chevènement avec l’orientation libérale de la construction européenne. Bayrou nous propose de rompre avec l’alternance et le bi-partisme pour poursuivre tranquillement la voie dictée par la pensée unique.
Le modèle de Bayrou, c’est en fait la commission européenne, un régime technocratique dont l’intérêt général de ses mesures serait garanti par sa composition plurielle et la compétence de ses membres et parce qu’il pourrait travailler sereinement à l’abri des vicissitudes du débat, des critiques et des clivages. En clair, à l’abri de la démocratie !
Avec un programme comme celui là, s’il n’avait pas déclaré la guerre à TF1, il aurait pu être le candidat des médias et des élites bien pensantes …
Le schéma de Bayrou est simple, c’est celui de la 4ème république : un espace politique structuré en trois blocs avec une extrême gauche révolutionnaire et une droite infréquentable sur les bords, et au centre une classe politique assurée de rester aux affaires quel que soit les résultat des élections !
Vous vous souvenez de la théorie d’Emmanuel Todd selon laquelle les élites tentent à chaque élection de neutraliser le suffrage universel ? Voici le premier candidat qui la reprend à son compte pour en faire son modèle de gouvernance !
Bravo, j'avais sur le site chevènement 2007 appelé à dénoncer ce que j'avais nommé "l'imposture Bayrou".
Voila une démonstration éclatante, comme tjs sur horizon, des ressorts et des motivation de la candidature Bayrou.
Il faut que Jean-Pierre la reprenne et la développe ds le cadre de sa campagne, car de nombreux citoyens sont et pourraient être manipulés et abusés.
Rédigé par : chavinier pierre | 06 décembre 2006 à 07:53
Même si je partage en grande partie tes analyses, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la sympathie pour le combat de Bayrou, de son entêtement à exister entre la droite libérale et une certaine gauche sectaire .Pourquoi n'y aurait-il pas une place dans le paysage politique au centre ? Doit-on suivre comme des moutons le bipartisme matraqué par les médias ?A mon avis , il est loin de l'image de naïf provincial que lui ont donné les Guignols .Je préfère un BAYROU à un LE PEN évidemment mais également à un De Robien plus soucieux de sa carrière politique .Sous la 4 ème république le radical socialisme était une force importante dans le paysage politique , Bayrou tente de le recréer ? Ce n'est peut-être pas la meilleure personne pour défendre cette position mais il ne manque pas de personnages politiques à l'image peut-être de Borloo pour se positionner sur ce créneau.
Rédigé par : René | 06 décembre 2006 à 20:09
Excellent billet , excellente analyse.
Je m'apprétait à faire un texte dans la même veine pour dénoncer ce faux défenseur du "modèle républicain"...
je vais faire un lien vers votre page.
Cordialement
Rédigé par : Franc-tireur | 07 décembre 2006 à 11:24