Comme après la sortie de son dernier ouvrage, j’ai proposé à Hakim El Karoui, de répondre à quelques questions. Les thèmes traités dans “Réinventer l’occident” étant riches, nous avons décidé de concentrer nos premiers échanges autour des question liés à l’immigration, à l’islam et au modèle assimilateur français.
Un deuxième volet de cet entretien devrait suivre portant sur les questions économiques, la mondialisation et l’Europe.
Malakine : Beaucoup ont reproché à Emmanuel Todd son « angélisme » sur les questions relatives à l’immigration, notamment lorsqu’il avait déclaré que les émeutes de 2005 avait apporté la preuve d’une assimilation réussie (J’exagère à peine) Vous n’allez pas jusque là dans votre ouvrage. Plutôt que de crier victoire, vous préférez insister sur caractère long et douloureux du processus d’assimilation, ce qui implique qu’on ne puisse en juger des résultats que sur le temps long. Affirmer que le processus d’assimilation est en cours et qu’il n’est pas encore totalement achevé me semble être une position sage et raisonnable.
Cependant le débat fait rage depuis quelques temps entre les identitaires et les angéliques, pour reprendre les vocables dont chacun affuble l’adversaire (ou entre les optimistes et les pessimistes pour reprendre le vôtre) Le clivage repose essentiellement sur la question de savoir si le processus d’assimilation ne connaîtrait pas aujourd’hui une forme de réaction entraînant à l’inverse des phénomènes nouveaux de repli identitaire, notamment autour de l’islam, et une montée des postures « anti-France » Quel est votre point de vue sur la question ?
Hakim El Karoui : Les deux phénomènes – l’assimilation d’un côté qui progresse, le repli qui se développe – ne sont pas incompatibles : ils concernent des personnes différentes, c’est tout. On assiste, chiffre à l’appui, à l’ascension sociale, lente mais déterminée, de la génération d’enfants d’immigrés nés dans les années 70 et 80. Ils font mieux que leurs parents, réussissent plutôt mieux à l’école que les autres enfants, croient dans les valeurs de la République… Les enquêtes montrent que la majorité d’entre eux est dans cette situation.
Et parallèlement, on assiste aussi à un repli, à la création de zone où l’assimilation et même l’intégration ne sont pas un sujet car les immigrés et leurs enfants y sont majoritaires. Dans ces zones, on retrouve les grands sujets actuels des sociétés d’origine : comment s’inventer une modernité à la manière traditionnelle par exemple en allant trouver dans l’islam la justification de la prolongation de pratiques sociales du temps passé.
C’est évidemment la deuxième catégorie de personnes qui sont présentes dans nos esprits : parce que l’échec de leur intégration au corps social est spectaculaire et en même temps inquiétante. Mais aussi, parce que les succès de l’intégration sont pour vocation discrets : plus vous ressemblez à des Français, moins on voit votre différence… et votre altérité supposée. L’échec est éclatant, le succès est terne.
Malakine: Vous émettez l’hypothèse que si l'islam et l’immigration concentrent actuellement autant l’attention, ce n’est pas parce que l’assimilation a échouée mais parce qu’elle est en en train de s’accomplir. L’idée est séduisante, mais on hésite entre deux interprétations assez contradictoires de votre hypothèse.
L’interprétation optimiste consisterait à considérer que la population qui attire l’attention est celle qui rejette l’intégration parce qu’elle est en situation d’échec au regard de ce processus, contrairement à la majorité de sa communauté. L’interprétation pessimiste (que vous semblez privilégier) expliquer la crispation autour de l’immigration par un besoin de la société française de « stigmatiser » un groupe social afin de se rassurer sur son identité. Cette hypothèse me apparaît véhiculer implicitement le reproche selon lequel les Français seraient racistes ou xénophobes, argument que vous réfutez pourtant par ailleurs. Pouvez vous préciser votre pensée sur ce point ?
Hakim El Karoui : L’idée que j’essaye d’avancer vient de René Girard. Il a montré que le désir mimétique (la volonté de l’un d’avoir ce que l’autre possède) conduit à la désignation d’un bouc émissaire qui permet de dévier la violence de ce désir vers un tiers. Je constate que la société française a toujours utilisé ses immigrés comme des boucs émissaires sur qui se cristallise une forme de violence sociale latente. Et je remarque que cette violence est d’autant plus forte qu’elle s’exerce au moment où il ne reste plus beaucoup de différences entre les « Français » et les enfants d’immigrés. L’Affaire Dreyfus a commencé fin XIXè quand les Juifs de France se posaient la question de l’assimilation. Pas en 1850 au moment où ils étaient très différents et d’ailleurs pour le plus grand nombre installés en Alsace.
Aujourd’hui, la majorité de la grande vague d’immigration des années 50 et 60 est bien engagé dans le processus d’assimilation. Et c’est eux que l’on désigne comme étant incapable de s’intégrer. Même si l’on vise ceux qui ont évidemment échoué, le fait que le discours soit englobant est significatif : ce n’est pas une minorité que l’on condamne, c’est la totalité des personnes.
Au passage, cela permet de ne pas parler des vrais problèmes, économiques et identitaires sur la nouvelle place de l’Occident dans le monde.
Malakine: Dans la continuité de votre précédent ouvrage, vous expliquez le caractère assimilationniste du modèle français par l’anthropologie toddienne : Ce seraient les valeurs de liberté et d’égalité caractéristiques du système de la France centrale, et donc la croyance en l’existence d’un individu universel et le rejet de différences trop visibles dans l’espace public qui seraient le moteur de l’assimilation. Cette grille de lecture fait exclusivement reposer le processus d’assimilation sur l’effet de mimétisme entraîné par le contact entre les populations françaises et immigrée.
Ne croyez vous pas que l’objectif d’assimilation devrait aussi relever de politiques publiques afin d’instituer un « parcours d’assimilation ? Dans l’affirmative, quelle pourrait être selon vous les contours d’une telle politique d’assimilation ?
Hakim El Karoui : Pour avoir pas mal travaillé sur ces questions quand j’étais à Matignon, ma réponse est nourrie d’expérience. Je ne crois pas à des politiques spécifiques en la matière. On peut concevoir des politiques d’accueil de l’immigration bien sûr : alphabétisation, insertion sociale voire apprentissage des valeurs. Mais, après, l’Etat ne sait plus faire. Pour une raison simple, cela devient un sujet social au sens où c’est la société qui fait le travail : l’intégration, c’est le métissage (l’Etat ne va pas ordonner un quota de mariages mixtes), l’intégration, c’est la volonté d’être comme les autres (l’Etat ne va ordonner le conformisme…).
Cela ne veut pas dire que l’action de l’Etat n’a pas d’impact sur le sujet : avec l’école, avec la politique du travail, avec la politique du logement, l’Etat peut accélérer ou ralentir le processus d’assimilation. Si l’école fonctionne mal, si les enfants d’immigrés sont regroupés, si le chômage est endémique, l’assimilation ne se fera pas.
Finalement, le seul domaine où l’Etat peut avoir un rôle direct, c’est le logement, en empêchant les concentrations trop importantes d’immigrés. Ce que je comprends de la politique en la matière actuelle est très inquiétant : après avoir détruit les barres, avec l’ANRU, on y reloge encore plus d’immigrés qu’avant.
Malakine : Comme Emmanuel Todd, vous vous exprimez souvent au nom du système français libéral-égalitaire auxquels vous prêtez toutes les vertus. Pourtant comme vous le soulignez « le modèle français ne conçoit l’universel qu’à son image » En défendant ainsi sans la moindre réserve ce système de valeur, jusqu’à légitimer la critique de pratiques culturelles anodines comme le port du voile, ne craignez vous pas de faire le jeu des xénophobes identitaires et des islamophobes ?
Hakim El Karoui : Non, au contraire, je pense qu’avoir une position ferme sur ces sujets rassurent, y compris ceux qui pensent que l’intégration est un échec total et que les « musulmans » sont fondamentalement différents de nous. Emmanuel Todd pour le citer a bien montré que le Front national est particulièrement fort dans les zones les plus attachées à l’idée d’égalité. Et l’on sait par ailleurs qu’une bonne partie des électeurs du Front national vient de la gauche.
Au-delà de ce problème, il est je crois essentiel d’expliquer notre modèle d’intégration, au grand public comme aux enfants d’immigrés. Il y a je crois un « mode d’emploi » à connaître pour ne pas se tromper de perspectives : ne pas prendre par exemple la xénophobie, réelle, pour du racisme, assez marginal.
Enfin, si je prête des vertus au modèle français, c’est en le comparant aux autres modèles, allemand, anglais ou américain où finalement l’assimilation ne peut pas se faire : le métissage est impossible. Songez qu’aux Etats-Unis, pays du melting pot, il y a des Noirs et des Blancs qui se côtoient sans se mélanger depuis 350 ans !
Malakine : Ne croyez vous pas qu’en la matière, l’attitude juste serait de réactiver au contraire les valeurs du système souche de manière à prôner une certaine acceptation des différences et à réhabiliter l’idée d’un collectif qui serait capable de les transcender ? J’ai plutôt tendance à penser pour ma part que l’universalisme égalisateur français est le principal responsable de la crispation actuelle autour de l’Islam : Il est incapable de percevoir et d’accepter la moindre différence, ce qui conduit soit au déni de réalité soit à l’intolérance. Il est impuissant à appréhender toute forme de collectif, qu’il s’agisse des communautés culturelles ou même de la communauté nationale. Il fabrique de l’individualisme et de l’anomie bien davantage que du sentiment d’appartenance. Il prétend assimiler par le vide culturel et religieux en s’attachant à dissoudre tout sentiment d’appartenance perçu comme une forme insupportable d’autorité du groupe sur l’individu. Il refuse toute notion d’identité collective … Ce système est loin d’être exempt de tout défaut ! Emmanuel Todd a toujours indiqué dans ses ouvrages que les systèmes souches (autorité/inégalité) et nucléaire-égalitaire (liberté-égalité) participaient à égalité à l’identité culturelle de la France, l’un servant toujours de contrepoint à l’autre. Pourquoi alors ne s’appuyer que sur l’un deux et réduire l’âme de la France au seul système anthropologique du bassin parisien ?
Hakim El Karoui : Il y a plusieurs sujets dans votre question. La « montée des communautarismes » ne me semble pas être liée à l’un ou l’autre des systèmes familiaux mais bien plutôt à l’élévation spectaculaire du niveau éducatif des Français, montée qui les a conduit progressivement à « sortir de la religion » comme le dit Gauchet et aujourd’hui à « sortir de la nation ».
Cette fragmentation sociale que tout le monde dénonce, qui s’exprime par exemple formidablement bien avec internet (tout le monde veut donner son avis avec les blogs, tout le monde veut se raconter avec Facebook, tout le monde veut faire suivre son quotidien avec Twitter), est inquiétante car on ne sait pas l’appréhender. Du coup, on se crispe.
Cette difficulté est je pense moins liée au système égalitaire un peu totalitaire que vous décrivez qu’à notre manque de dynamisme actuel et au vieillissement de la population qui fait que ceux qui dirigent ont « appris la France » il y a 30, 40, 50 ans et qu’ils ont bien du mal à accepter les formes nouvelles d’organisation des pouvoirs. Et par exemple, qu’un pouvoir qui vient d’en haut n’est plus légitime.
Malakine : Vous considérez que la concentration de populations issues de l’immigration dans certains quartiers, que vous n’hésitez pas à qualifier de « ghettoïsation », est un obstacle à l’assimilation. Vous affirmez même que les immigrés doivent toujours être minoritaires dans leur environnement social. Pourtant, vous vous abstenez de vous prononcer sur la régulation des flux migratoires.
Ne pensez vous pas que ce constat devrait logiquement conduire à stopper toute forme d’immigration, y compris l’immigration familiale dont Michèle Tribalat a montré qu’elle était essentiellement le fait de Français issus de l’immigration qui se marient avec des ressortissants du pays d’origine de leur parents, ce qui est tout de même le symptôme très net d’un enfermement communautaire et de refus de l’assimilation ?
Hakim El Karoui : Si ce que disait Michèle Tribalat était majoritaire, ce serait effectivement inquiétant. Mais, elle décrit des comportements minoritaires au niveau national, qui peuvent être majoritaires dans certains quartiers qui sont en train de se transformer en ghettos, au sens traditionnel de ce mot, (à la différence prêt qu’il n’y a pas vraiment de ghettos mono-ethniques en France aujourd’hui mais des ghettos d’immigrés).
La trop forte concentration est donc le problème. C’est là que l’Etat peut agir, en l’empêchant, ce qu’il peut faire puisque c’est lui qui attribue les logements la plupart du temps.
Quant à la régulation des flux migratoires, oui, bien sûr. Je n’ai jamais proposé d’ouvrir les frontières à tout vent. Mais, la régulation ne veut pas dire la fermeture. Nous avons besoin d’accueillir des étudiants étrangers. Nous avons besoin de main d’œuvre étrangère. Et enfin, nous avons besoin d’être conforme à l’image que nous avons de nous-mêmes : la patrie des droits de l’homme, ce n’est pas rien, même si ce n’est pas tout.
Très intéressant. Les questions de Malakine sont aussi intéressantes (et aussi longues !) que les réponses d'El Karaoui. J'ai relevé quelques passages remarquables.
Chez El Karaoui :
"l’intégration, c’est le métissage", mais cependant "l’Etat ne va pas ordonner un quota de mariages mixtes". Très juste, et très important.
"… ne pas se tromper de perspectives : ne pas prendre par exemple la xénophobie, réelle, pour du racisme, assez marginal". Cela me paraît aussi très juste, et très utile pour remettre les choses à leur place.
"Si je prête des vertus au modèle français, c’est en le comparant aux autres modèles, allemand, anglais ou américain où finalement l’assimilation ne peut pas se faire : le métissage est impossible. Songez qu’aux Etats-Unis, pays du melting pot, il y a des Noirs et des Blancs qui se côtoient sans se mélanger depuis 350 ans !". J'approuve totalement.
Chez Malakine :
"… pratiques culturelles anodines comme le port du voile". Bien vu. Non seulement c'est anodin, mais surtout la pratique en question relève, au moins dans l'espace public, de la liberté individuelle, et ce n'est donc pas une question qui concerne la République. Si la France est universaliste, c'est d'abord parce que la liberté est la première de ses valeurs (comme son nom l'indique).
J'ai aussi quelques réserves.
-Il faudrait savoir ce que l'on entend par "immigrés". Parle-t-on des seuls résidents étrangers, ou bien des résidents étrangers et des Français d'origine étrangère récente ? Je crois que dans un souci de rigueur républicaine, il vaudrait mieux laisser tomber le terme "immigrés", beaucoup trop flou, pour ne parler simplement que des Français et des résidents étrangers - ce qui n'empêche pas, bien sûr, d'intégrer dans la réflexion les Français d'origine étrangère récente.
-Je ne crois pas du tout que la concentration géographique des résidents étrangers (ou des Français d'origine étrangère récente) soit problématique en elle-même. Je pense que cette concentration est simplement la conséquence de phénomènes qui, eux, constituent les vrais problèmes : à savoir essentiellement le chômage de masse (lié à la déshérence industrielle) et les tensions sur le marché du logement (avec des loyers devenus indécents). J'ai bien noté cependant qu'El Karaoui évoquait aussi ces sujets. Simplement, ce que je veux dire, c'est que de mon point de vue la concentration n'est qu'un effet, un symptôme, et non pas une cause du mal.
-Hélas je crains que "l'élévation spectaculaire du niveau éducatif des Français" soit arrivée à son terme, et qu'un mouvement inverse soit même déjà amorcé… Mais je dois bien admettre que ce n'est qu'une sorte d'intuition. Je regarde peut-être un peu trop la télé ! Par ailleurs, à première vue je ne vois pas pourquoi une élévation du niveau éducatif conduirait nécessairement à "sortir de la religion" ou à "sortir de la nation". Mais je dois dire que je n'ai pas lu Marcel Gauchet ni d'ailleurs El Karaoui, donc je ne vais pas la ramener davantage.
-Je ne comprends pas bien le sens de cette phrase : "ceux qui dirigent ont « appris la France » il y a 30, 40, 50 ans et ils ont bien du mal à accepter les formes nouvelles d’organisation des pouvoirs. Et par exemple, qu’un pouvoir qui vient d’en haut n’est plus légitime". Quel est ce "pouvoir qui vient d'en haut" ? Et quelles sont ces "formes nouvelles d'organisation du pouvoir" ? Il me semble que dans une république démocratique, le pouvoir vient d'en bas (par principe), et que ce n'est pas très nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que ce principe est battu en brèche par la “construction européenne". Mais les réponses se trouvent sans doute dans le bouquin d'El Karaoui.
-Enfin, je veux bien que l'on prône une "régulation" de l'immigration. Mais encore faudrait-il préciser comment on "régule", selon quels principes (qui entre, qui n'entre pas), et avec quels moyens. Là encore, la réponse est sans doute dans le livre, décidément il faut que je l'achète. N'empêche que sur cette question Malakine aurait pu pousser El Karaoui un peu plus loin dans ses retranchements. Car la position de Malakine est bien plus claire : "stopper toute forme d'immigration" (même s'il reste à savoir avec quels moyens cela se ferait, et avec quelle efficacité).
Personnellement je défends plutôt l'ouverture des frontières "à tout vent", dans la mesure où la densité de population en France est encore très raisonnable. Je ne vois aucune raison, à l'heure actuelle, de stopper l'immigration ni même de la "réguler". Si ce phénomène pose problème, c'est d'abord pour les pays d'émigration, car cette émigration est le symptôme d'une absence de perspective politique et économique. Je crois en effet que ce n'est pas une simple question de pauvreté. Le climat politique général est la véritable clef du problème. A titre d'exemple, je ne crois pas que l'on observe une très forte émigration (que ce soit vers la France ou vers d'autres pays riches) dans les franges les plus déshéritées de la population brésilienne. Et pourtant la pauvreté sévit encore au Brésil, et elle concerne des dizaines de millions de citoyens. En revanche, le Brésil est un pays qui avance ; il y a une perspective politique. Or il se trouve qu'en France, aujourd'hui, l'essentiel de l'immigration provient de nos anciennes colonies. Par conséquent, si l'on veut aider ces pays à stopper l'émigration, nous serions bien inspirés d'y favoriser la mise en place de gouvernements réellement légitimes, et de favoriser l'industrialisation de ces pays. En bref, de revoir totalement notre politique néocoloniale dans cette arrière-cour où, suivant l'exemple des Etats-Unis (à moins que ce soit eux qui aient suivi notre exemple…), nous manions toujours le "big trick", avec des résultats désastreux (et au mépris de tous nos principes universalistes et internationalistes). On ne peut pas invoquer les droits de l'homme à l'intérieur tout en continuant de pratiquer le pillage et de financer des tyrans à l'extérieur. Ce n'est pas dans l'intérêt de la France, en tout cas pas à long terme. Je sais bien que pour l'instant nous avons besoin des matières premières africaines, et que notre domination géopolitique brutale nous permet d'y accéder à vil prix. Mais c'est une vision à court terme. Et par ailleurs on ne peut pas continuer à se plaindre des immigrants africains et maghrébins (puisque c'est bien d'eux qu'il s'agit) tout en continuant de favoriser les conditions de cette immigration.
Rédigé par : Joe Liqueur | 13 novembre 2010 à 12:10
Dommage qu'Hakim el Karoui n'aille pas jusqu'au bout de son raisonnement , il remarque justement que la minoration des migrants est nécéssaire pour leur bonne intégration, mais relativise pourtant la question des flux migratoires qui est la cause de leur regroupement...
Je trouve un peu facile d'invoquer la question du logement lorsqu'on sait que ces flux en plus d'être important, se concentrent géographiquement dans qqs zones du térritoire (l'Ile de France ,le sud ouest et le Nord pas de Calais) et possédent de surcroit les mêmes caractéristiques sociales et économiques propices aux phénomènes de concentration.
Même en contruisant des logements supplémentaires on ne réduira pas la pression qui est tellement forte dans certains endroits que l' on reconstituera malgré tout des ghettos , même entourés d'immeubles en pierre de taille et de pavillons ,on le voit à Paris d'ailleurs.
Puis bon ,dans la situation actuelle peut-on rellement demander aux contribuables de payer des centaines de millions pour des invités, à qui ils n'ont pas demandé la venue , en plus ?
Il ne faut pas négliger non plus les phénomènes d'évitements,quelque soit les communautés.
Je pense aussi qu'il se trompe en évoquant l'immigration des années 60 et 70 , ce n'est pas elle qui provoque tant de tracas ,elle en a certes causé chez les sympatisans FN d'alors , seulement quand à l'époque on pestait contre la présence des arabes ,en 2010 c'est la place des musulmans qui se pose.
Or la il n'est plus question de racisme forcément, l'islam n'étant pas une communauté éthnique.
Rédigé par : Damien | 13 novembre 2010 à 15:37
@ Joe liqueur
Je suis plutôt d'accord avec votre commentaire mais certains aspects me dérangent :
- Vous dites : La densité de population en France est encore très raisonnable. Je ne vois aucune raison, à l'heure actuelle, de stopper l'immigration ni même de la "réguler".
Je ne suis pas d'accord avec vous. En effet, la densité ne me semble pas être un élément suffisant pour appuyer votre opinion. D'ailleurs, il existe des disparités flagrantes de densité dans notre pays (le Larzac contre l'Ile de France). Or, les flux migratoires se concentrent davantage sur les zones déjà fortement peuplées, ce qui aggrave ce phénomène.
En outre, un trop forte immigration me paraît difficile à accueillir car cela pose des problèmes en termes de logement,d'emploi ...
- Concernant la concentration géographique des immigrés, il est vrai qu'il s'agit de la conséquence de divers phénomènes que vous citez. Toutefois, elle constitue aussi, selon moi, la cause d'autres problèmes et notamment en ce qui concerne un certain repli identitaire et la promotion du communautarisme, ce qui tend à couper ces personnes du reste de la société.
Rédigé par : Tomgu | 13 novembre 2010 à 15:56
Si j'ai bien saisi Malakine , tu fais porter la responsabilité de ce rejet sur le compte de l'universalisme-francais,trop assimilateur ?
Seulement je pense que tu retournes la responsabilité ...et si c'etait cette religion qui était trop assimilationniste ?Au point de refuser toute forme d'altérité...Pour moi l'assimilationisme francais et islamique sont en concurrence ,voila pourquoi on s'accroche tant ,alors qu'il y'a pleins d'autres formes de communautarismes en France !
Rappelons nous que les principales polémiques lié à l'islam ont eclaté avec le voile (intégrale ou non),voile qui manifestait le refus de ces femmes qu'on les approche même visuellement.
Ainsi que sur les fast food généralistes halal,qui eux indiquaient carrément le refus des consommateurs musulmans de manger au coté des consommateurs de porc et de viande non-halal.
Les Francais en réalité se fichent que les musulmans ne mangent pas de porc ,mais l'inverse est-il vrai encore ?
Aussi faut pas perdre de vue que tout ca n'est pas un "drame" franco-francais...on peut faire surfer tous ces mécontentements sur la vague populiste qui traverse l'europe ,sauf que même des musulmans ou des gens issus de la communauté maghrébine refusent ce repli sur soi...
D'ailleurs t'évoques l'opposition d'Hakim el Karoui au port du voile.
Rédigé par : Damien | 13 novembre 2010 à 15:57
Excellente idée que cet entretien, très intéressant en lui-même et qui me fournit un prétexte idéal pour t'entretenir, cher Malakine, de certaines idées qui me trottaient dans la tête depuis un certain temps.
Je ne crois pas me tromper en disant que l'idée de l'entretien (et la façon dont tu l'as mené) contient une dimension personnelle accusée concernant ta position vis-à-vis d'Emmanuel Todd, dont Hakim El Karoui est notoirement proche, et par extension théorique vis-à-vis de la famille nucléaire-égalitaire dont Emmanuel Todd a décrit certains traits historiques et dont il serait à ton sens le zélateur exagéré.
J'avais noté depuis un certain temps ton parti pris passionné pour la famille souche (par exemple dans les modifications de ta rubrique "projet éditorial et positionnement politique"), parti pris qui prenait une dimension étonnamment personnalisé comme si il constituait désormais un aspect de ton engagement politique propre, parti pris un peu paradoxal aussi au moment où tu développais une critique acerbe de l'Allemagne si marquée anthropologiquement par la même famille souche.
Ce qui peut étonner, c'est à la fois le côté durci des antinomies que tu dégageais et ton engagement partisan dans ce qui apparaissait de plus en plus comme un conflit interne constitutif à la France dont l'issue serait décisive.
Peut-être faudrait-il d'abord rappeler à cet égard que la France est plus diverse encore sur le plan anthropologique que l'opposition binaire retenue. L'Ouest intérieur, par exemple, est caractérisé par une forme nucléaire non-égalitaire tandis que les marges du Massif Central offrent l'exemple de types familiaux communautaires. La timide émergence d'un André Chassaigne montre, d'ailleurs, dans un cas d'une pureté presque absolue, que la sensibilité correspondant à ce type n'a pas renoncé à s'exprimer. Mais passons sur ces aspects que tu connais sans doute très bien.
Ce qui m'a le plus déconcerté, c'est en fait ta critique de l'universalisme correspondant selon toi à la famille nucléaire-égalitaire. Deux remarques à cet égard : d'une part il est vrai que cet universalisme peut prendre des formes peu avenantes - le jacobinisme terroriste et massacreur de Vendéens en est l'expression pathologique mais d'autre part est-ce bien cet universalisme restreint propre à un seul type familial qui est fondamentalement à l'œuvre en France? La forme la plus aboutie de l'universalisme national n'est-elle pas au contraire née de la prise en compte de la diversité anthropologique sans égale de la France et de l'interaction dialectique de ses composantes autour des valeurs de la région capitale?
Cet universalisme-là ne manque pas de vertus. Et on voit bien, a contrario, que l'homogénéité souche de l'Allemagne est un élément sans doute déterminant dans l'étrange publicité qu'elle fait de son modèle économique sans se rendre compte, semble-t-il, que ce modèle n'est simplement pas universalisable.
Une autre interrogation relative à ta prise de position concerne la base anthropologique que pourraient avoir les idées que tu défends et je te rappelle que la France souche est bien la France plus disciplinée du oui à Maastricht, du oui à Lisbonne, celle qui plus longtemps catholique a un goût particulier pour Europe Ecologie ou le MODEM et en général pour les idéologies de l'hétéronomie (dont l'européisme et l'écologisme sont deux formes actuelles). Il ne s'agit pas de la vilipender, elle sera sans doute un jour protectionniste avec ferveur mais il faudra vraisemblablement attendre pour cela que le message des élites nationales qu'elle écoute plus que toute autre le soit lui-même devenu. En attendant, la force de révolte de la famille nucléaire-égalitaire pourrait bien être encore fort utile.
Rédigé par : Emmanuel B | 13 novembre 2010 à 16:43
Hakim El Karaoui estime que l'assimilation ne peut pas se faire en Allemange et au Royaume-Uni. C'est un tout petit peu important.
Rédigé par : Jardidi | 13 novembre 2010 à 16:51
Entretien très intéressant, qui rassure sur la capacité du modèle français assimilationniste à assimiler ses immigrés (personnellement je n'en ai jamais douté), mais là où le bat blesse... c'est que ce modèle est en partie abandonné. Il n'y a qu'à voir la propension des Français à se penser en communautés (et non en "communauté nationale), l'évolution de notre législation pour satisfaire les revendications communautaristes (lois mémorielles, aménagements culturels ou alimentaires) au risque de fragmenter notre communauté nationale, ou bien encore que depuis 1981 un prénom français n'est plus obligatoire (c'est très con, mais ça y participe), ou bien nos derniers programmes d'histoire (qui étaient déjà très amochés)...
Je ne suis pas d'accord avec toi, Xavier : pour moi, il n'y a pas meilleur que le modèle français assimilateur. Penser la différence et évoluer ? Mais pourquoi faire ? Le fait d'être la Patrie des droits de l'homme ne nous oblige pas à nier notre identité et notre modèle pour accueillir des immigrés ! Être ouvert, accueillant, oui. Se renier, jamais, je m'y refuserai toujours, d'autant plus que ma famille a fait un immense effort d'assimilation pour être à part entière française !
Si la France commence à vouloir penser la différence et la communauté, je pense qu'elle périra. La France a parfaitement les moyens de juguler les communautarismes montant, comme elle l'a toujours fait, même si cela se fit dans la douleur (voire le sang...). Ce n'est pas en se reniant que l'on avance, c'est en s'assumant. Moi, j'assume parfaitement la xénophobie du modèle français, comme dit Eric Zemmour (en ce qu'il nie les différences culturelles pour émanciper l'individu).
C'est pourquoi pour moi, le voile est une pratique culturelle qui est tout sauf anodine. Au contraire : il montre la volonté d'instituer une séparation entre Français, entre ceux étant d'une religion et ceux qui n'y sont pas, si ce n'est qu'il est l'imposition à la vue des autres de l'appartenance de la personne qui le porte à un culte. Or, lorsque je suis dans la rue, je me fiche des origines, de la couleur de peau des gens, et il en est de même de la religion : je ne souhaite pas savoir que telle personne est juive, musulmane ou catholique. Si je le voulais, je poserai la question. Evidemment, cette remarque ne s'applique pas aux curés, rabbins et imams, lesquels sont légitimes pour afficher la couleur, étant ministres de leur culte.
Il s'agit d'être ferme sur nos valeurs et nos principes, si nous voulons rester une terrer de liberté et d'égalité, mais aussi d'unité. Etant très bien placé pour défendre ce point de vue, j'affirme que c'est à l'immigré de s'adapter à la France et non l'inverse. L'assimilation réussira si nous sommes fermes comme nous l'avons été avec les Belges, les Espagnols, les Italiens, les Polonais et nos "régionaux" (désolé pour le terme quelque peu barbare). On peut voir que l'esprit assimilationniste n'est pas mort malgré les tentatives de ceux qui ne sont pas républicains (je pense notamment à la clique des Verts qui en sont les plus grands défenseurs) de nous imposer le multiculturalisme, lequel menant au communautarisme, mène à de graves conflits sociaux comme je l'expliquais dans mon dernier article...
La France républicaine, c'est l'assimilation. Chacun oublie un peu de sa culture pour apporter simplement une nuance enrichissant la culture française. Renonçons à ce modèle et nous renoncerons à la République... et peut-être même à la France.
L'avenir nous tend les bras ! Dans 30 ans, nous serons la première puissance démographique européenne, certainement la première puissance économique, et nous resterons sûrement la première puissance militaire (d'autant plus lorsque l'on voit les immenses coupes budgétaires britanniques). Le temps joue pour nous, ce n'est pas le moment de se saborder. Nous avons quelques problèmes de communautarisme, il ne faut pas céder et rester fermes : l'avenir est à ce prix.
Je crois en l'avenir de la France... pas vous ?
Rédigé par : B&G | 13 novembre 2010 à 21:38
Etudiants, travailleurs, image de patrie des droits de l'homme : la conclusion d'étape est un beau méli-mélo de "besoins" migratoires.
Rédigé par : Marsault | 14 novembre 2010 à 08:25
je pense que HEK touche le problème du doigt : l'intégration ne se décrète pas. l'état peut améliorer ou empirer, notamment par le logement. Mais c'est un phénomène qui se joue à l'échelle de la génération.
@Joe Liqueur
En démographie, le mot "immigré" à une définition rigoureuse : individu qui réside en France et qui est né étranger ET à l'étranger, y compris les naturalisés.
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/immigre.htm
C'est vrai qu'on emploi souvent "immigré" ou d'origine immigré pour dire en gros "les noirs et les arabes" !
Sur le pouvoir d'en haut et d'en bas, je pense qu'il pense plus ou moins à ce que les anglophones appelles l'"accountability".
Rédigé par : Aluserpit | 15 novembre 2010 à 00:11
..."L’interprétation pessimiste (que vous semblez privilégier) expliquer la crispation autour de l’immigration par un besoin de la société française de « stigmatiser » un groupe social afin de se rassurer sur son identité".
Toutes les grandes démocraties se sont construites "contre" un groupe social: en France ce furent les nobles, aux Etats-Unis les noirs et les indiens. Rien de neuf sous le soleil, donc...
Rédigé par : abraxas | 15 novembre 2010 à 14:54
Bonjour,
Merci pour cet entretien.
Si je partage bien les analyses de Malakine sur l'economie et les echanges internationaux, je dois dire que je me sens beaucoup plus proche de Malika Sorel sur le debat "immigration, insertion, integration".
Je ne cesse de m'etonner que l'on soit si prompt, de nos jours, a designer l'assimilation comme oppressive alors que le systeme a 1- fait ses preuves 2- mene a une balkanisation de la societe depuis qu'il n'est plus applique 3- ne s'est toujours pas vu oppose de systeme alternatif qui ait marche quelque part.
Je souhaitais developper ma position plus longuement, mais je me trouve en total accord avec B&G ci -dessus.
Certains arguments de Malakine me font penser a cet ami d'origine senegalaise (2eme generation) qui aime a taper sur ce modele d'assimilation qui aurait vide son pere ouvrier de sa culture d'origine. C'est oublier un peu vite que cet ami est aujourd'hui un brillant ingenieur sorti de l'X.
Rédigé par : pierreu | 15 novembre 2010 à 16:00
Voilà un bel entretien, confrontant de manière intéressante des discours différents et complémentaires.
La question de savoir si l'assimilation fonctionne "encore" renvoie à celle de la bouteille à moitié vide/ à moitié pleine.
Et je suis heureux de voir HEK reconnaître qu'elle est aujourd'hui dans certaines en situation d'échec. C'est un fait qu'il est de plus en plus difficile à nier.
En revanche, cet échec ne condamne pas l'assimilation, ni les personnes "immigrées non assimilées", mais plutôt le système et l'Etat en premier lieu.
Et si j'adhère totalement aux questions et aux réponses de cet entretien, je trouve qu'il ne faut pas trop dédouaner les poltiiques de leurs responsabilités, qui ne se limite pas qu'aux questions de logement (certes importantes).
C'est tout le processus de déconstruction républicaine qui est en cours sous nos yeux qui trouve là ses effets les plus profonds : bloquer l'assimilation pour certains groupes, créant des zones coupées du reste de la Nation (même si elles sont au centre des peurs médiatiques).
Double processus en fait :
- démission des politiques à assumer leur rôle, afin de créant le contexte favorisant l'assimilation du plus grand nombre (en combattant le communautarisme sous toutes ses formes) ;
- échec des dirigeants à soutenir les institutions les plus à même de créer les mécanismes et les moments "assimilateurs". Certes, l'Education nationale est aux premières loges de ces échecs, mais que dire de la suppression pure et simple du service nationale (alors qu'il y avait là quelque chose à adapter pour créer une nouvelle dynamique assimilationniste).
Au-delà de ces remarques, qui n'étonneront pas grand monde (vu que la plupart des commentateurs sont d'accord, chacun avec ses mots et ses priorités), il faut aujourd'hui sortir du constat.
Que faire pour rétablir le contexte le plus favorable à l'assimilation "à la française" ?
La question est posée et elle attend des réponses...
Cordialement,
Verdun
Rédigé par : Verdun | 15 novembre 2010 à 17:54
Je n'ai pas pu suivre les commentaires ces deux derniers jours et je le regrette, car je ne m'attendais pas à une telle richesse et une telle abondance.
Je crois que je répondrais en exposant de manière synthétique mes positions sur toutes ces questions. Je crois ne l'avoir jamais fait. C'est derniers temps j'ai fais quelques bribes de textes, notamment pour préparer une réponse à Radu Stoenescu (qui a répondu à mon "Djihad laïque) Les questions que je pose dans cette interview faisaient écho à d'autres trucs que j'avais préalablement écris mais encore non publié. De là vient sûrement votre frustration.
Donc, rassurez vous, on va bientôt pouvoir tout reprendre point par point.
Je dois quand même dire à Emmanuel B, que je suis soufflé par la pertinence de ses remarques !! Je ne pensais pas qu'on pouvait s'intéresser à l'évolution de ma pensée au point de pouvoir en proposer des reflets aussi justes :-) Ah franchement, bravo !
Je vais répondre parce je ne suis pas prêt d'en faire un article.
Effectivement, l'idée que les valeurs du système souche doivent être réactivées car l'hégémonie de celles du système libéral-égalitaire est à la cause de la crise du modèle français commence à devenir centrale dans ma réflexion.
Déjà, j'aimerais dire comment je suis arrivé à cette idée :
Au départ il y a l'observation des dégâts du libre échange dans le tissu économique d'un territoire industriel, puis la conversion au protectionnisme toddien. Puis, il y a l'échec de cette thématique, incapable de prendre dans le débat et de se structurer en tant qu'alternative, dont il faut comprendre les causes.
Il y en a deux :
1- Le protectionnisme économique est un moyen et non une fin. Or, un moyen ne fait jamais rêver. Le protectionnisme ne peut pas être actif sans véhiculer une idéologie et un projet de société. Ils restent à construire
2- Le protectionnisme revient à vouloir défendre l'industrie en tant que base productive de la nation. Or, cette notion a tellement disparu des radars, que rares sont ceux qui semblent capables de l'appréhender intellectuellement. La théorie n'a de rationalité que si l'on appréhende une économie nationale comme un tout. Si on l'appréhende comme le terrain de jeu d'un certain nombre d'acteurs économiques, il n'en a pas. Tous le monde, individuellement pris, veut avoir la possibilité de commercialiser son talent à l'échelle planétaire et acheter ses biens au meilleur prix. Electoralement parlant, la défense de l'emploi industriel ça ne pèse rien.
Le problème c'est donc l'incapacité à penser collectif, la dissolution de la nation, problématique qui revient en boomerang dès qu'on s'interroge sur les moyens d'une telle politique. D'où la question : qu'est ce qui a entraîné la dissolution du sens du collectif et donc de l'action publique elle même ?
A cette question vient s'ajouter la question allemande qui émerge dans le même temps. Les Allemands nous bouffent tout cru en jouant les mêmes règles que nous. Première réaction : Il faut se protéger d'eux également. Seconde réaction : Mais pourquoi sont-ils meilleurs que nous ?
La fascination du modèle allemand, conjugué à l'analyse des causes de la perte de sens collectif (plus deux ou trois autres paramètres liés à ma vie personnelle) conduit aux systèmes anthopologiques de Todd et la critique du modèle dominant en France.
Et comme la grille de lecture toddienne est toujours aussi puissante, ce postulat "les excès du modèle individualiste libéral égalitaire auxquels sa totale libération a conduit, constitue la cause centrale de la crise identitaire, politique et économique que connaît la France" produit une grille de lecture qui produit des analyses parfois assez décalées sur pas mal de sujet. Effectivement, comme le suggère Emmanuel, cette thématique pourrait constituer l'axe central d'un projet politique (mais je n'ai pas de projet politique).
Sur les questions de société pour revenir au sujet, je considère en effet que la moitié du problème vient d'une immigration trop laxiste mais que l'autre vient des excès de l'universalisme égalitariste français, réfractaire à toute idée de différence. Je suis persuadé que tout ceci n'est qu'un révélateur de la crise d'identité de la nation française (dissoute à force d'individualisme) et que tous ces problèmes et bien d'autres, seront résolus lorsqu'on saura retrouver un sentiment d'appartenance commun. Lorsqu'on saura de nouveau ce que signifie d'être Français, on acceptera comme parfaitement naturel d'avoir des compatriotes qui mangent Hallal, ne boivent pas d'alcool et qui font le Ramadan une fois par an.
Retrouvons d'abords le moyen d'assimiler les français de souche dans ce qui pourrait ressembler à une nation et aussitôt nos arabes et nos noirs se feront une joie d'en faire partie.
Rédigé par : Malakine | 15 novembre 2010 à 19:40
Cher Malakine,
Je suis évidemment ravi que mon commentaire t'ait paru pertinent. En effet, l'évolution de ta pensée m'intéresse beaucoup, non sans me déconcerter quelquefois. Merci d'être revenu sur ton cheminement qui était sans doute en partie déductible mais qui est bien plus clairement indiqué ainsi.
Il y avait aussi un aspect polémique dans mon intervention, je me permets de le reprendre. Il concerne l'opposition radicalisée des types familiaux souche et nucléaire-égalitaire.
Si te me parais avoir raison de ne pas idéaliser le type du bassin parisien, il me paraît tout aussi raisonnable de ne pas idéaliser son contretype souche. Même sur le plan de la cohésion nationale, on ne peut ranger ses manifestations sur un plan exclusivement positif. On voit bien dans les cas catalans, basques, écossais ou dans celui de la Vénétie que la famille souche peut aussi être un ferment de séparatisme capable de jouer un rôle dissolvant même dans les plus anciennes nations. Difficile aussi de ne pas voir comment l'articulation institutionnelle rêvée par quelques-uns et privilégiant le niveau européen et celui des régions ou des petits pays par-dessus celui des nations traditionnelles s'ancre dans un imaginaire typique de l'anthropologie familiale souche.
A l'inverse, une représentation trop sévère des caractéristiques de la famille libéral-égalitaire n'est pas sans danger. J'ai quelquefois l'impression que tu mets un peu vite dans un même sac le type familial en question, la ville de Paris, les élites qui y sont concentrées et la représentation politique qui y correspondrait formée par les partis de "l'arc central". Évidemment, à chaque niveau, une critique sans concession doit être formulée. Mais, d'une part, on ne peut pas établir une équivalence entre ces niveaux comme s'il s'agissait d'une évidence et d'autre part un telle représentation donne une image de la France qu'on pourrait qualifier d' "énucléé" pour reprendre la métaphore biologique qui t'est chère. En évidant théoriquement ainsi le "centre" du pays, on risque de s'interdire à mon avis de peser efficacement sur son avenir. Les valeurs de la France ne peuvent pas être autre chose que le produit du débats entre ses différentes composantes anthropologiques, chacune étant susceptible tout autant d'encourager des tentations dissolvantes que de supporter un effort vers une plus grande cohésion. L'enjeu devrait être, il me semble, de dégager et d'activer les virtualités positives et complémentaires que chacune porte en elle.
Rédigé par : Emmanuel B | 18 novembre 2010 à 12:57