En 1991, l’Union soviétique disparaît de la carte en laissant pour seule héritier une Russie en proie au chaos. L’islam remplace alors peu à peu le socialisme comme idéologie révolutionnaire dans les pays du Moyen-Orient, ce qui est une aubaine pour les Etats-Unis à la recherché désespérée d’un nouvel ennemi pour justifier leur centralité financière. Les évènements du 11 septembre concrétisent ce passage de flambeau, faisant émerger une nouvelle incarnation du mal sous la forme du barbu islamiste qui déteste l’Amérique, sa liberté et sa prospérité au nom d’idées moyenâgeuses. L’Empire va donc pouvoir repartir en croisade pour faire étalage de sa puissance, du moins le croit-il.
La théorie du choc des civilisations s’est depuis diffusée dans tout le monde occidental. L’Islam n’est plus la religion des peuples d’orient, mais le totalitarisme du 21ème siècle, conquérant et belliqueux comme à l’époque de Mahomet. L’islamophobie n’est plus une forme de la xénophobie nauséabonde du bas peuple aux bas instincts. C’est devenu une idée à la mode, particulièrement chez les élites éclairées qui profitent de l’occasion pour revêtir leur costume de résistant qu’elles avaient remisé depuis belle lurette. Même la gauche dite républicaine s’y met, sous couvert de laïcité, de défense du droit des femmes, quand ce n’est pas de la République elle-même.
Il est vrai que dans le même temps, les populations musulmanes se sont radicalisées dans une crispation identitaire. On a vu les voiles se multiplier, la Burka apparaître, la nourriture hallal se généraliser, des prières se tenir dans les rues, au moins sur Dailymotion... Effet d’optique lié à un reflux de la tolérance à l’égard des manifestations d’une culture exogène ou réalité d’un nouveau communautarisme revendicateur nourri par une immigration toujours plus nombreuse et concentrée ? Offensive de l’Islam ou réaction contre l’islamophobie ? Un vrai problème d’œuf et de poule impossible à trancher.
Qu’elles que soient les causes, on constatera simplement que la tension monte entre deux communautés. D’un coté les populations immigrées, les musulmans les racailles et habitants des cités qui forment un bel amalgame répulsif à souhait. De l’autre des Français racistes, intolérant, coupables de discriminations ou de « stigmatisations », comme on dit aujourd’hui.
Si cette tension ne se manifestait que par des joutes verbales autour de symboles, comme le débat public national en raffole, tout cela serait fâcheux mais pas bien grave. Le problème c’est que la situation peut exploser à la moindre étincelle. Qu’un agent des forces de l’ordre soit tué à l’occasion d’une nouvelle émeute dans un quartier sensible, que la police ouvre le feu, soit sur instruction, soit parce que l’un de ses agents aura perdu ses nerfs, et c’est toutes les banlieues qui s’embraseront aussitôt, plongeant la France dans une guerre civile communautaire comme elle n’en a pas connu depuis les guerres de religions, avec des conséquences politiques absolument imprévisibles.
Voilà pour le constat. Jusque là, je pense que tout le monde sera d’accord, en espérant ne pas avoir fait dans le déni de réalité, donné dans l’angélisme ou la bien-pensance, pour reprendre la ligne de défense préférée des adversaires de l’Islam. Mais une fois qu’on a dit ça, qu’est ce qu’on fait ?
Le drame de la période est que face à la posture moraliste « anti-stigmatisation », on n’entend guère qu’un discours haineux de pure confrontation dont les seuls effets possibles seront de précipiter la guerre civile que l’on prétend vouloir éviter.
Ces nouveaux croisés soulignent à longueur d’articles, tout ce qu’il y a d’anti-républicain dans la charia, réfutent toute distinction entre la pratique normale de la religion musulmane et l’islamisme radical, dénoncent le machisme au nom de la sacro-sainte égalité homme-femme quand ce n’est pas l’arriération mentale que traduit l’observation de prescriptions religieuses.
Leur rêve ultime est probablement de finir en martyr de la cause laïque comme Théo Van Gogh ou simplement de subir une fatwa en bonne et due forme, ce qui est pour le moins paradoxal venant de prétendus laïcs. Ils ne reculeront devant aucune provocation. Et si leurs apéro-saucisson et leurs textes accusateurs ne suffisent pas, ils iront s’il le faut jusqu’au blasphème le plus insultant, au nom bien sûr, des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
On peut les comprendre. L’opinion est clairement en attente d’une réaction après des décennies d’immigration présentée comme une fatalité et de droit à la différence trop longtemps célébré. La libération de la parole xénophobe (au sens de rejet de celui qui se comporte en étranger sur le sol national) est incontestablement un puissant facteur de dynamique électorale et de succès médiatique. Sarkozy l’a bien compris, mais il n’est manifestement pas le seul.
Philosophiquement, l’islamophobie est déjà en soi critiquable, car si certaines de leurs critiques sont fondées, l’exercice inverse qui consisterait à interroger la culture dominante dans la France contemporaine, pourrait bien donner lieu à une critique tout aussi dévastatrice. Faisons donc l’inventaire des valeurs qui fondent aujourd’hui notre vivre ensemble et demandons nous s’il n’y a pas là une terrible carence qui pousse ces populations à se replier sur leur culture d’origine pour retrouver des valeurs fédératives consacrées dans des pratiques collectives ainsi qu’un sentiment d’appartenance qui fait cruellement défaut dans le pays de la laïcité.
Sur le plan pratique, la pensée islamophobe est en revanche absolument contreproductive et extrêmement dangereuse. Ce discours hémiplégique, qui flatte les uns et braque les autres, ne peut qu’exacerber les tensions, accélérer le durcissement de la société et de notre système politique et précipiter un véritable choc des civilisations sur notre sol.
Un système culturel ne se combat pas comme un système de pensée. On ne gagne pas une guerre de religion par le verbe comme on gagne une élection. On l’a gagne par les armes, l’extermination ou la conversion forcée ! Qui peut raisonnablement imaginer qu’un musulman qui tomberait sur un texte riposte-laïcard puisse se laisser convaincre que ses valeurs sont moyenâgeuses, que sa religion n’a pas décidemment pas sa place dans ce beau pays qui est désormais le sien et qu’il est temps pour lui de se défaire de sa culture familiale pour enfin pleinement s’assimiler dans la nation française ?
Une culture agressée et niée ne peut que se radicaliser par réaction. Exacerber ainsi la conscience des différences culturelles ne peut que conduire à des identités irréconciliables et exclusives les unes des autres. A trop répéter aux musulmans qu’ils n’ont pas leur place en tant que tels dans la République, on les pousse à choisir entre deux identités devenues exclusives. Ils seront musulmans et rejetteront la France.
L’islamophobie ne devrait pas se revendiquer de l’héritage républicain, car outre qu’elle divise au lieu de chercher à refonder l’unité nationale, elle s’oppose à notre tradition politique sur un point essentiel. L’ordre public a toujours été défini comme extérieur et matériel. La république s’est toujours refusé à faire la police dans les esprits. C’est cela aussi la laïcité !
C’est aux manifestations de l’islam - et par extension de tout ce qui peut paraître comme trop étranger pour avoir sa place sur le sol national- qu’il faut s’attaquer. Ce combat doit impérativement déboucher sur des revendications politiques et abandonner les postures trop faciles de la critique culturelle ou religieuse.
Peut-être faudrait-il commencer par s’attaquer aux causes de l’islamisation, à savoir l’immigration, légale ou illégale, dont le flux n’a jamais cessé ? Il est bien sûr plus politiquement correct de dénoncer l’islamisation sous couvert de laïcité ou de féminisme, que de proposer de stopper l’immigration.
Peut-être faut-il oser durcir les conditions d’octroi de la nationalité pour faire ou refaire de ce droit un véritable parcours vers l’assimilation, et à l’occasion redéfinir les droits et les devoirs attachés spécifiquement à la qualité de Français ?
Peut-être faudrait-il aussi se donner les moyens de fabriquer enfin un islam de France, débarrassé du contexte culturel moyen-oriental pour ne conserver que le message spirituel et les pratiques proprement religieuses, quitte à revenir temporairement sur la loi de 1905, via un nouveau concordat qui permettait d’accoucher sur un clergé musulman de nationalité française et prêchant en français.
Peut-être aussi faut-il règlementer plus sévèrement la place de l’islam, ou de la religion en général, dans l’espace public, comme on a commencé à le faire avec l’interdiction du voile à l’école puis de la Burka.
Mais peut-être aussi faudrait-il reconnaître par un acte symbolique la légitimité d’un Islam tolérant et modéré dans la république, par exemple en faisant un jour férié d’une de leur fête religieuse ?
L’apaisement des tensions communautaire et l’intégration de l’islam dans la république, si c’est bien cela qu’on cherche, exigera en tout état de cause des efforts et des concessions des deux cotés. La nation française a été faite par la politique et non par la religion ou la culture. Traitons donc ce problème selon notre tradition, en le ramenant sur le terrain politique.
Malakine
Ce texte a été commandé par la rédaction de Causeur.fr pour son dossier du numéro d’octobre consacré à l’Islam. Les abonnés auront le privilège de le lire sur papier glacé parmi d'autres articles encore bien plus intéressants.
J'ai lu cet article d'une traite parrallèlement au long et célèbre article de Debray "êtes-vous démocrate ou républicain?"
C'est éclairant. Merci d'enrichir ma réflexion.
Rédigé par : Vianney | 14 octobre 2010 à 00:58
Je plaide aussi pour un islam sécularisé qui abandonnera ses pratiques les plus clivantes (halal en tête ) et ségrégationnistes (rapport homme/femme et musulman/non musulman ) néanmoins sur les moyens d'y parvenir je crains que la confrontation soit inévitable ,non une confrontation physique et armée mais qui s'efféctuera par le verbe justement, pour 2 raisons :
L'éspace qui doit être fait pour les musulmans porteur d'un islam des Lumieres ne sera jamais dégagé.
Enfin la sortie prochaine du livre d'Hassen Chalghoumi ("Pour un Islam de France"),le fameux imam de Drancy nous permettra d'en juger.
Puis politiquement la droite a besoin des musulmans comme dérivatif ,idem pour la gauche mais qui le fait elle depuis les années 80, la posture moralisante en sus.
Ensuite parce que l'année qui vient de s'écouler m'a enseigné que sur certaines routes supposément non naviguable on avait besoin de super tankers ,pour briser la glace.
Avant l'année dérnière jamais un éditoraliste du serail , un sociologue ,un économiste ou même un citoyen lambda n'aurait pu aborder la problematique de l'immigration sans etre soupconné de racisme ...c'est pour ca d'ailleurs que les assoc' ont changé de vocabulaire en parlant de "stigmatisation".
Dire clairement aux musulmans ce qu'on leur reproche (sans faire d'amalgames à la RL ,qui brouille le méssage) , quelles parties de leur culture nous incommode , non par gout ou dégout mais à cause de leurs incompatibilités avec la notre et le projet qu'elle implique ne se fera pas sans heurts.
T'as commencé en abordant l'impérialisme américain or les troubles que cause l'islam dans notre pays et en europe sont lié avec sa nature impériale justement ...aucune communauté n'accepte ce genre de rappel désagrable (suffit de voir comment a été acceuilli la sortie d' "Hors La Loi" ici).
Mais bon le débat ne suffira pas...pour intégrer pleinement les musulmans à notre nation faudrait commencer par en avoir une en état de marche !
Or d'ici la ,comment evoluera leur communautarisme...en 10 ans l'islam a drôlement changé (et au maghreb ils se font la meme réfléxion).
Rédigé par : Damien | 14 octobre 2010 à 01:32
Vraiment un très bon texte. Un problème récurent sur ce thème est le manque de donnée stat. La plupart des textes font de la sociologie à la louche sans argumentation, l'exemple type étant "riposte-laïcard";) qui tombe dans l'auto-caricature.
Des données de panel fiables pourraient permettre d'éclairer ce problème d’œuf et de poule entre "offensive de l’Islam ou réaction contre l’islamophobie".
Rédigé par : GeoRad | 14 octobre 2010 à 08:49
C'est certainement un sujet difficile et je vais éviter de prendre parti. Je voudrais juste rappeler que, par exemple,quand on est en Arabie Saoudite on accepte de ne pas avoir de revues "dénudées" dans ses bagages, de se baigner dans les piscines d'hôtel à des horaires différents que l'on est homme ou femme, de ne pas boire d'alcool en public, et si on a un enfant sur place ce n'est pas pour autant qu'il acquiert la nationalité saoudienne.
Ce que je veux dire c'est que chaque pays a ses us et coutumes et que je trouve anormal d'accepter n'importe quoi dans le notre (je pense par exemple aux "horaires islamistes" de la piscine de Lille)...
Mais bon, je suis sans doute un vieux con nationaliste ;)
Rédigé par : A-J Holbecq | 14 octobre 2010 à 09:50
C'est une présentation très partielle et partiale de l'Islam et du monde arabo-musulman. Pour ma part je préfère les analyses d'Olivier Roy!
Je pense que l'islam est confronté à des courants variés et multiples, complexes dont l'un d'entre eux est le fondamentalisme que j'interprète comme une tentative désespérée de faire retour à un islam mythique des origines pour faire face au défi de la modernité c'est-à-dire de l'occidentalisation qui se traduit par la montée du niveau d'éducation des femmes puis une baisse de la démographie qui s'aligne sur celle de nos pays voyez celle de l'Iran, de la Turquie notamment. Je vous invite à lire le lire d'Emmanuel Todd et Youssef Courbage "le rendez-vous des civilisations" paru au Seuil il y a 3 ans.
Rédigé par : cording | 14 octobre 2010 à 10:36
Si je comprends bien, notamment à travers le titre, c'est qu'il conviendrait de faire quelques entorses au trop sacro-saint principe de laïcité afin de mieux intégrer la communauté islamique dans la république.
Pas du tout d'accord, bien que je peux répondre quand même favorablement à certaines de tes propositions qui commencent prudemment par un "peut-être". Mais je n,'y réponds favorablement que si j'en fais de de même pour un chrétien, pour un bouddhiste, pour un musulman !
La diversité ne pose pas de problème, le communautarisme par contre en est un. La laïcité c'est aussi la liberté de conscience, mais individuelle quand le communautarisme impose la primauté du groupe sur l'individu.
Dès que l'on critique l'Islam, ce qui peut être légitime, on devient islamophobe et par extension raciste !
C'est pourquoi, pour moi, la meilleure approche du sujet reste la laïcité (à condition de ne pas la dévoyer avec des adjectifs tels que ouverte ou positive)...
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 14 octobre 2010 à 10:59
Un texte qui fait plaisir à lire. Il est bon de rappeler les fondements de notre république laïque qui s'est forgée contre le pouvoir de l'église catholique.
La vie privée des français ne nous concernent pas. Quelque soit leur religion, les français croyants ont le droit de la pratiquer dans des lieux dignes et les athées de professer leur athéisme sans risquer des agressions.
Rédigé par : bruno | 14 octobre 2010 à 11:47
> Vianney
Mais quel est le rapport entre cet article et celui de Régis Debray ?
> Damien
"La confrontation par le verbe" pourrait (peut-être) avoir un effet si les communautés échangeaient entre elles. Or je crains que dans le champ médiatique chacun ne parle qu'aux siens, ce qui ne fait que renforcer la radicalité des positions.
> GeoRad
Il est évident que l'absence d'éléments statistiques pose un grave problème. Chacun présente la réalité sous le jour qui l'arrange. A l'inverse de RL, on a toujours les toddiens qui affirment que l'intégration des immigrés est toujours exceptionnelle en France. Hakim El Karoui a même déclaré à propos des maghrébins dans une itw publiée dans le Monde "C'est précisément parce qu'ils sont en train d'être assimilés qu'ils concentrent autant d'attention et de haine."
> AJH
On peut très bien être ferme sur l'immigration ou dans la lutte contre le communautarisme (dont l'exemple lillois est une illustration) tout en refusant le principe même de la critique des systèmes de pensée religieux.
> Cording
Qu'est ce qui est une présentation très partielle et partiale de l'islam ??
> PMF
La Laïcité est devenu un concept valise où chacun y trouve ce qu'il veut. Pour certains c'est une critique de la foi religieuse en elle même. Pour d'autres c'est un principe de négation des différences culturelles. On est loin des règles contenues dans la loi de 1905.
La laïcité est aussi un des ferments du communautarisme. En devenant idéologiquement et moralement neutre et en renvoyant la détermination du bien et du mal dans la sphère privée, l'Etat a créé les conditions pour que les individus se regroupent entre ceux qui partagent le même système de croyance.
Pour moi, la meilleure approche du sujet est de savoir ce qui fonde le vivre ensemble dans une société et je dis que si la religion ne peut être un principe d'organisation, la laïcité (au sens de non-croyance officielle) ne peut pas en être un non plus.
Rédigé par : Malakine | 14 octobre 2010 à 11:50
@GeoRad
A défaut de statistiques fiables et globales on ne peut que s'appuyer sur les témoignages qui font état de revendications cultuelles ,qui se multiplient sur le térritoire.
Comme les accrochages dans certains hopitaux qui ont lieu presque chaque semaine ou les fast food halal qui poussent comme des champignons (une quinzaine de Quick en l'éspace d'un an).
Le fameux taux de métissage dans les couples franco-maghrebin qu'on sait aujourd'hui faussé ,par les mariages arrangés ou forcés (environ le 1/3)et qui s'ajoute au refus des francaises maghrebines de s'acoquiner avec un "francais".
Le seul chiffre dont on dispose c'est le nombre de mosquées construites ,un peu moins de 2500 et celles supplémentaires que souhaitent batir Dalil Boubakeur (1500) ce qui portera le nombre total à 4000...la plupart étant concentrée dans les mêmes zones ,contrairement aux églises qui sont répartie un peu partout sur l'héxagone.
C'est tout cela qui interpelle les gens...et qui devrait susciter un débat sérieux entre nous et eux.
@Cording
Pour moi ce retour aux sources religieux est un phénomène culturel et non spirituel ,identitaire comme on dit maintenant et qui fait echo au déclin du sentiment et projet national.
Ailleurs c'est le régionalisme qu'on célèbre (avec un peu plus de légitimité quand même)
Je pense qu'il nous dérange aussi pour cette raison ci,on aime pas le vilain reflet !
Cela dit ce retour aux sources arrange bien les gardiens du dogme islamique, qui ne fait que proner la séparation entre musulmans et non musulmans.
Rédigé par : Damien | 14 octobre 2010 à 13:15
Relativisme quand tu nous tiens...
Rédigé par : Victor | 14 octobre 2010 à 13:39
Laïcité, ma référence, c'est celle de 1905 et non le combat de Riposte Laïque ou un dévoiement de sa neutralité par une conception dite positive de ce concept...
Comment règlementer plus sévèrement la place de l’islam, ou de la religion en général, dans l’espace public, comme on a commencé à le faire avec l’interdiction du voile à l’école puis de la Burqa sans se référer à la laïcité ?
Parfois difficile de se déterminer entre ce qui peut relever de la liberté individuelle ou de la prescription communautariste ! Ce fut le cas quand il fallut prendre position contre le foulard, ça l'est maintenant avec les exigences autour de la viande Hallal, y compris en équipe de France de foot !
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 14 octobre 2010 à 15:02
> PMF
N'oublions pas trop vite le concept d'ordre public. Dans sa dernière décision validant l'interdiction de la Burqa dans les lieux publics (dont tout le monde avait pourtant déclaré par avance l'inconstitutionnalité) le CC a intégré dans la définition de l'ordre public - qui dans notre tradition juridique permet seul les atteintes aux libertés individuelles - les "exigences minimales de la vie en société"
Je pense qu'il y a là un espace qui s'ouvre pour de nouvelles règlementations fondées non pas sur la critique des dogmes religieux mais sur les exigences du vivre ensemble.
Rédigé par : Malakine | 14 octobre 2010 à 15:32
Citation : "Une culture agressée et niée ne peut que se radicaliser par réaction."
C'est pour cette raison que je suis opposé aux lois anti-burkas.
Rédigé par : Fourminus | 14 octobre 2010 à 16:01
@Malakine
J'ai pas saisi le raisonnement d'Hakim El Karoui ?
Il sous entend que le corps francais n'accepterait pas de composante "maghrebine" meme integrée ?
@Fourminus
La loi anti burka ne concerne pas les musulmans.
Si vous pensiez à eux.
Rédigé par : Damien | 14 octobre 2010 à 16:17
Bravo,
Malakine, rien à ajouter c parfait.
Mais de grâce, arrêtez de vous exciter avec les quicks hallal, je vis dans un quartier avec beaucoup de juifs, il y a plein de commerces cachers (très chers d'ailleurs)et personne ne s'en offusque.
Rédigé par : guzy | 14 octobre 2010 à 16:43
> Malakine
Tu écris " On peut très bien être ferme sur l'immigration ou dans la lutte contre le communautarisme (dont l'exemple lillois est une illustration) tout en refusant le principe même de la critique des systèmes de pensée religieux."
Je suis évidemment d'accord: mais il faut aussi que ce soit réciproque.
Rédigé par : A-J Holbecq | 14 octobre 2010 à 16:49
@Guzy
Les Quick et les KFC se sont converti au halal.
Avant cela ils servaient du porc et une viande non taxée par un organisme religieux.
Quand les juifs voudront imposer leur rites aux consommateurs goys ils raleront aussi ,certainement !
Pour l'instant les gens assistent incrédule au passage d'un rite religieux, issu de la sphère privé, à des espaces qui ne le sont pas .
C'est pour ca que beaucoup invoque la laïcité meme si l'esprit de la loi diffère.Les francais sont tellement laïcisé qu'ils se demandent ce qu'il se passe.
De plus j'ai entendu dire que les serveurs et les cuisiniers dans ces fast food étaient uniquement recruté dans la communauté musulmane (??) et la HALDE dans tout ca ?
On tente bien de noyer le poisson en rappelant que le casher et le halal n'ont tué personne et que les juifs font pareil (ce qui est faux d'ailleurs ) mais on voit que la question est moins triviale qu'il n'en parait.
Ces interdits ont une fonction sociale précise et un impact fort sur une société comme la notre.
Rédigé par : Damien | 14 octobre 2010 à 17:56
@Malakine Debray a écrit ce texte suite à une première affaire du voile en 1989...
Rédigé par : Vianney | 14 octobre 2010 à 18:43
> Damien
Vu que j'ai encore vers moi une copie de l'article. Je t'en copie plus.
Je fais le parrallèle avec la situation des juifs français au XIXème : c'est au moment où ils se posaient la question de l'assimilation que les attaques antisémites ont été les plus fortes. Je crois que c'est la même chose aujourd'hui pour les enfants d'immigrés d'Afrique du Nord. C'est précisément parce qu'ils sont assimilés qu'ils concentrent autant d'attention et de haine. On se focalise sur les échecs et la haine de certains. Mais ils sont minoritaires et on oublie la majorité
Je te laisse le soin d'interpréter sa pensée.
> Guzy
Si l'islamophobie est devenue "chic" l'antisémitisme est toujours une maladie grave de la pensée. Rien que d'affirmer que les produits cacher sont chers c'est déjà très limite sur le plan du politiquement correct ! :-)
> AJH
Je ne crois pas qu'il y ait la même virulence les les mulsulmans à l'égard de la laïcité ou des valeurs françaises que les les laïcards à l'égard de l'Islam. Mais si tu penses à des chansons comme "Ma France à moi" de Diam's, c'est toujours dit que ça valait la censure et 6 mois de prison pour "l'artiste" !
> Damien
Dans ce cas, propose d'interdire les commerces qui ne proposent que des produits communautaires ! Ce n'est pas compliqué. Il suffit d'arrêter avec les postures moralistes et se remettre à faire de la politique.
> Vianney
Oui, je me souviens, mais je ne vois toujours pas le lien avec ce papier.
Rédigé par : Malakine | 14 octobre 2010 à 18:56
@Malakine
Même contextualisée sa remarque est ambigue.
Pour ma part je fais le lien entre la défience ambiante vis a vis des musulmans et leur soudaine ostentation religieuse ,en réalité récente (moins de 15 ans).
Et non à leur voisinage au bureau ou dans l'immeuble.
Avant les critiques ne portaient pas sur l'islam mais sur les "arabes"...il y'a eu un glissement qu'on peut pas reduire au rejet de l'autre ,venant des francais.
Interdire la nourriture confesionnelle j'avoue y avoir réfléchis mais ce jacobinisme n'a plus lieu d'être aujourd'hui.
Puis on serait pas en mesure de le faire déjà.
Pour les applications politiques faudrait déjà que nos élus et la population concernée comprennent que certaines pratiques religieuses cposent un probleme en soi ,qui entretiennent le clivage et le replis sur soi.
Enfin encore une fois ces dérives stictement identitaires sont le fruit d'une mise a l'écart , provoquée par une politique migratatoire folle et économique stérile.
Si j'étais un homme politique je me demanderai a quel dossier m'attaquer en premier ??
Le plus simple ou le plus compliqué ?
Rédigé par : Damien | 14 octobre 2010 à 19:42
@ Malakine
Je suis globalement d'accord avec ton analyse (première partie de ton texte). Complètement d'accord, par exemple, sur la posture moraliste "anti-stigmatisation". Par contre, quand tu passes aux propositions, là je ne te suis plus. Je ne vais pas revenir sur la question de l'immigration, tu sais qu'on n'est pas d'accord là-dessus.
Comme tu le dis toi-même, "l’ordre public a toujours été défini comme extérieur et matériel" et "la république s’est toujours refusé à faire la police dans les esprits".
Alors je crois qu'il faudrait commencer par affirmer ou ré-affirmer des principes clairs :
La République française ne reconnaît aucun culte ni aucune croyance.
La République française ne reconnaît aucune communauté autre que la communauté nationale formée par les citoyens français.
J'en ai une troisième comme ça, qui recoupe et même englobe la précédente, mais qui va plus loin (c'est lié à l'abolition du mariage, une de mes lubies…) :
La République française ne reconnaît aucun lien interpersonnel autre que ceux de la nation et de la filiation.
Note bien que si la République ne reconnaît aucun culte, il ne peut y avoir de loi sur "le voile" ou sur "le voile intégral" (niqab ou, encore plus intégral, burqa). Il ne peut y avoir que des lois sur la "dissimulation du visage" ou sur la… "dissimulation des cheveux"… ?? (l’ordre public a toujours été défini comme extérieur et matériel, je te cite). Voilà pourquoi je pense qu'une laïcité stricte et strictement définie est la solution la plus susceptible de calmer les esprits et d'éviter à coup sûr toute discrimination, "positive" ou "négative". "La République ne reconnaît aucun culte", ça, c'est le génie politique français.
Donc pour ce qui est d'un nouveau concordat, je dis niet, au contraire, abolissons le concordat qui subsiste encore dans trois de nos départements. "Fabriquer un islam de France", je dis niet aussi.
De même, pour ce qui est de jours fériés, je propose plutôt de supprimer tous ceux qui ont une signification religieuse, et de les remplacer par une sixième semaine de congés payés, ou mieux encore par d'autres dates ayant un contenu politique aussi fédérateur que possible (à voir si on peut raisonnablement proposer le 18 mars par exemple).
Bon je pense que tu reconnaîtras bien là mon côté puriste…
En tout cas j'ai noté pour ma part que les gens du P"G" eux-mêmes étaient sur une mauvaise pente (ça ne m'étonne pas d'eux !) ; voir cette vidéo très significative (attention il y a un bug, il faut revenir juste après le début avec le bouton) :
http://www.dailymotion.com/video/xds4nb_laicite-ou-guerre-des-dieux-l-heure_news?start=4410#from=embed
Les passages les plus significatifs sont à 11'50 et à 1h00'50. Je pense qu'Henri Peña-Ruiz tombe dans le travers dont tu parles au début de ton texte, et que par ailleurs il ne sait pas énoncer correctement les principes de la vraie laïcité.
Rédigé par : Joe Liqueur | 14 octobre 2010 à 21:33
> Damien
Après y avoir réfléchis, il me semble que la remarque de Hakim est assez juste. Admettons que le processus d'assimilation s'effectue pour l'immense majorité des enfants de l'immigration d'Afrique du Nord, que se passe t-il pour la minorité qui échoue dans ce processus ? Il semble évident que cette frange de la population va rejeter le modèle français pour se replier sur celui de ses racines, tout comme la réaction de rejet que cela peut susciter dans la population.
On peut aussi se demander si Hakim n'a pas voulu dire que la réaction dite islamophobe (ou le passage de la critique de l'immigration à celle de l'Islam) n'exprime pas un refus de l'idée qu'une partie de la population française puisse être pleinement assimilée et néanmoins continuer à se revendiquer comme musulmane. Ca vaudrait peut-être le coup que je lui demande ...
> Joe Liqueur
J'ai déjà répondu à l'argument de la laïcité comme horizon indépassable pour aborder ces question dans ma réponse à PMF.
Je regarde la vidéo que tu as mise en lien et je reviens.
PS : Tu n'as plus le même pseudo ici et chez Laurent ??
Rédigé par : Malakine | 16 octobre 2010 à 08:50
> Joe Liqueur
Je viens de voir les deux extraits que tu proposais et enfin, je viens de piger ton obsession contre le mariage ! En écoutant ce professeur exposer tout le bien qu'il pensait de la laïcité et de l'émancipation des individus contre toute forme d'autorité, je me suis dit qu'un jour ces gens déclareront la fidélité dans le couple comme quelque chose d'affreusement totalitaire, dans la mesure où cela fait de l'individu l'objet de son conjoint ou de sa conjointe. Mais c'est vrai que cette génération a déjà non seulement théorisé mais expérimenté ce genre de théorie.
IL faudra un jour que j'écrive sur cette notion de laïcité et ses liens avec l'individualisme libéral, car à mon avis la notion a plus à voir avec le libertarisme et le communautarisme qu'avec la République.
Rédigé par : Malakine | 16 octobre 2010 à 09:05
@ Malakine
Je ne sais pas si on s'est très bien compris. En l'occurrence j'ai été plutôt consterné par le discours de Peña-Ruiz. Pour ce qui me concerne, dans ma conception de la laïcité, il ne s'agit nullement d'émanciper les individus contre toute forme d'autorité, il s'agit d'affirmer que les cultes et les croyances ne concernent en rien la République puisqu'elle ne les reconnaît pas. Et pour ce qui est de l'abolition du mariage, c'est un peu le même principe : il ne s'agit sûrement pas d'affirmer que la fidélité dans le couple serait totalitaire, il s'agit plutôt de ne rien affirmer du tout quant à la fidélité dans le couple ; il s'agit d'affirmer que la fidélité dans le couple ne concerne en rien la République, puisque la République ne reconnaîtrait alors plus de couple.
Quant au lien avec l'individualisme libéral… je ne le ferais sûrement pas. Je crois que tu oublies un morceau de la phrase :
"La République française ne reconnaît aucune communauté autre que la communauté nationale formée par les citoyens français".
Donc la République reconnaît la nation (encore heureux).
"La République française ne reconnaît aucun lien interpersonnel autre que ceux de la nation et de la filiation".
Donc la République reconnaît la nation… et aussi la famille. Seul le couple n'est plus reconnu. Il ne s'agit pas de confier les enfants à l'Etat ! Au contraire, je crois que c'est une très bonne chose que les parents (les mères ET AUSSI LES PERES) soient contraints d'assumer individuellement leur responsabilité parentale (ce qui ne les empêche pas, bien sûr, d'assumer conjointement cette responsabilité s'ils le souhaitent et tant qu'ils le souhaitent).
En bref, dans ma vision (c'est le mot…), si le couple n'est plus reconnu, si aucune communauté cultuelle, spirituelle ou culturelle n'est plus reconnue, l'individualisme a quand même des limites : la nation et la famille (même si ce dernier terme n'a plus la même signification). Je tenais à le souligner. D'ailleurs, si je suis socialiste (ou me prétends tel), c'est avant tout parce que je reconnais l'existence d'une communauté nationale.
Enfin, à propos de l'individualisme libéral, il me semble qu'il se développe très bien dans le cadre familial tel qu'il est institutionnalisé aujourd'hui. On pourrait très bien appeler ça de l'individualisme familial. Un exemple : la privatisation de la sécu. Pour nombre d'ultralibéraux, il s'agit clairement de faire passer la communauté familiale avant la communauté nationale ; de remplacer la solidarité nationale par la solidarité familiale. Démerdez-vous pour devenir riches pour plusieurs générations, et vous n'aurez plus besoin de répartition. Ou alors, démerdez-vous pour ne jamais tomber tomber malade et pour rester productifs jusqu'à votre mort.
Rédigé par : Joe Liqueur | 16 octobre 2010 à 11:52
Juste une remarque tout ça est très bien mais ne nous trompons pas un peu en considérant cette communauté musulmane comme homogène? Je ne connais pas bien le sujet mais n'y a t il pas une différence importante entre (i) les musulmans français originaires du Maghreb et (11) ceux issu de la nouvelle immigration d'Afrique noire.
Dans le premier cas les pays d’origine sont en développement, avec un pouvoir et des institutions plus ou moins stables, ils ont terminé leurs transition démographique, ont des taux d'alphabétisation important… Bref ces pays fonctionnent tant bien que mal et l'émigration de leurs habitants en France doit être extrêmement faible aujourd’hui. Du coup beaucoup des musulmans de France issus de ces pays sont déjà des français de 2eme ou 3eme générations et leurs intégrations est en cours et se fera tant bien que mal si on résout le pb du chômage dans les quartiers.
Pour ce qui est des musulmans issu de la nouvelle immigration d'Afrique noire c’est a mon avis un peu différent. Ils sont originaires de pays en totale explosion démographique et complètement dépassés par les événements. AQMI se développe surtout dans ces pays d’ailleurs après avoir été chassé d’Algérie par l’armée régulière. Du coup l’émigration depuis ces pays est massive et continuera puisque avec 7 enfants par femme en moyenne par exemple au Niger la misère de ces pays va durer. Cette vague d’émigration est nouvelle et l’intégration en France part zero et nécessitera du temps.
Ces différences risquent d’ailleurs de créer une sacré cassure dans la communauté musulmane et dans les relations entre les pays d’Afrique du Nord et ceux d’Afrique noire, Yann avait fait un article intéressant sur le sujet
http://lebondosage.over-blog.fr/article-de-la-peur-de-l-islam-a-la-peur-pour-l-islam-56077799.html
Rédigé par : red2 | 16 octobre 2010 à 19:00
Bravo cher ami pour cet excellent papier qui est parfaitement en ligne avec ce que pense la petite équipe de la Revue critique des idées et des livres. Une convergence de plus et de poids. Nous publierons prochainement nos commentaires sur le dialogue Sapir-Pinsolle-Malakine-Renouvin et alii. Voilà du bon travail pour reconstruire la pensée "souverainiste". Je vous signale également le long papier de Paul Thibaud dans le dernier numéro de Commentaire. Décidément, nos idées passent et le monde change . Bien à vous.
Rédigé par : François Renié | 17 octobre 2010 à 12:51
a Joe Liqueur...
Arretons de transformer la Laicite en ce qu'elle n'est pas: c'est a dire la loi de 1905, la neutralite de l'etat ou la separation du public/prive.
Il est important de redonner aux mots leur sens sinon nous retombons dans l'ignorance.
Le pere de la Laicite est Ferdinand Buisson qui l'a theorisee avant 1905.
Pour simplifier: Buissson designe la Laicite comme une "RELIGION HUMANISTE" du DOUTE qui doit se substituer a la religion catholique. Elle est un projet politique: le creuset philosophique de la Republique. Il precise que ses temples en sont les ecoles. Oui, il s'agit avant toute chose d'emanciptation intellectuelle et morale, deux siecles apres Condorcet qui avait deja tout ecrit. Dire le contraire, c'est faire un contre sens historique essentiel sur la Laicite.
A partir de la, le debat sur l'islamisation de la societe prend un tout autre sens. Projet politique humaniste et emancipateur contre projet politique de soumission et obscurantiste. La Laicite peut elle l'accepter?
Cher Malakine, quelle ironie finalement, tu t'egares quelque peu et pointes les "djihadistes laiques" comme d'autres pointent les "souverainites reac'". Oui, ca suffit...
Rédigé par : Pierre Urville | 18 octobre 2010 à 16:03
Pour le « djihad des saucissonneurs pinardiers » je t’invite à consulter cette fiche technique http://fr.wikipedia.org/wiki/Djihad comme je l’ai fait moi-même afin de trouver le rapport, si toutefois il y en a un ?
Tu sais très bien que la « terrible carence » ressentie par les populations musulmanes, c’est d’abord celle des pouvoirs publics qui ont ouvert grand les portes de l’immigration tout en se retirant du terrain de l’intégration, laissant les populations déjà en place se débrouiller seules pour gérer la chose.
Cette carence originelle ressentie tout autant par ces mêmes populations déjà en place (dont beaucoup d’immigrés, qui avaient eux-mêmes produits de gros efforts pour s’intégrer, il est bon de rappeler toujours la même chose), qui leur a coûté et leur coûte encore très cher, est celle qui fausse tous les débats parce qu’elle est comme le cadavre sur lequel quiconque aborde le sujet veut refermer au préalable le placard (forcément ! puisque ces mêmes populations n’ont jamais été consultées sur la question d’une immigration de peuplement !).
A partir de là, beaucoup de tes réflexions deviennent des slogans qui peuvent être retournés à son envoyeur.
- « Le discours hémiplégique qui braque les uns et flattent les autres ». Oui da ! Je connais ! Les cochonneries du genre de celles que l’on trouvait dans Libé sur les évènements de la Villeneuve dans mon secteur ne datent pas d’hier, non ?
- « Une culture agressée et niée ne peut que se radicaliser par réaction ». Quel sédatif dois-je donc prendre pour oublier combien ma propre culture se sent agressée par certaines pratiques qui sont maintenant la règle dominante dans les propres quartiers où je vis ?
Je constate aussi que tu restes toujours fidèle à ta méthode (inconsciente ?), qui tend toujours à minimiser les problèmes spécifiques posés par l’Islam dans les sociétés occidentales (je ne dis pas non plus qu’ils sont rédhibitoires), et que tu prends facilement quelques libertés avec les faits historiques.
Je ne pense pas ainsi que la place de la femme dans la culture islamique soit une simple question de « machisme » (je parle en connaissance de cause, te rappelant que je suis moi-même un macho de première), pas plus que l’émancipation de la femme occidentale ne soit soluble dans le reflux prévisible d’un certain féminisme, trop lié au capitalisme marchand des dernières décennies.
Concernant les guerres de religions en France (très longues, très dures), je te rappelle qu’elles n’ont pas été au bout du compte gagnées par les armes, mais que la lassitude des armes a rendu possible l’arbitrage d’une autorité supérieure qui fut l’état royal. Solution qui ne pouvait elle-même intervenir que dans un cadre religieux qui faisait déjà la part des choses entre Dieu et César. Ce socle arbitral a été ensuite consolidé par le reflux de la croyance collective religieuse (comme Todd l’a expliqué dans « L’invention de l’Europe »), qui a du cédé le terrain au 18ème siècle à la pensée critique des « lumières », elle-même accoucheuse plus tard de la pensée radicale laïque, évoquée par un commentateur précédent.
La loi de 1905 n’a été que la traduction juridique a posteriori de ce puissant mouvement historique, et il ne serait pas faux alors de considérer que les conflits religieux en France ont bien été surmontés par le verbe.
J’attends donc impatiemment ton texte prochain sur la laïcité, dans lequel tu vas nous expliquer dans quelle mesure elle a échoué à dompter le communautarisme religieux dans l’histoire du pays, et pourquoi il a fallu attendre la fin du vingtième siècle pour en arriver là !
Je crois profondément,Cher Xavier Pantani (Oh pardon ! Mais sur la photo, la ressemblance est frappante…), que les questions de la femme et de la laïcité en France ne trouveront aucun « accommodement raisonnable » parce qu’elles ramènent à ce que nous entendons AUSSI par Fraternité dans notre devise républicaine, la possibilité de choisir sa conjointe par delà le critère religieux (celui-ci relevant plus du champ économique et politique par les deux autres termes de la devise).
A partir de là, toute solution de type TINA (there is no alternative, de toute façon, « ils » sont là, à nous de nous en accommoder) ne pourra pas trouver de compromis sans passer par la case de l’affrontement, pour le meilleur (le psychodrame à issue positive) ou pour le pire (la guerre civile).
A ce sujet, ta boutade sur Théo Van Gogh me chagrine. En effet, vis-à-vis de certains milieux fanatiques, tu ne devrais pas trop compter sur ta tolérance religieuse pour te faire pardonner ta conviction sincère qu’il faille désormais entre bailler les portes de l’immigration en France. Pour ceux-là notre pays est déjà de fait une terre de conquête et toi un Théo Van Gogh parmi d’autres.
Inutile de me répondre si c’est pour s’engueuler as usual de chaque côté du mur (pour le duel j’ai le choix des armes, je choisis le Lautaret avec un 38 X 24).
Rédigé par : La Gaule | 20 octobre 2010 à 03:09
> Pierre Urville
Je dois préciser que le titre de Djihad laïque n'est pas de moi mais de la rédaction de causeur. Je l'ai trouvé bon et c'est pourquoi je l'ai repris.
Je sais bien ce qu'est la laïcité. J'aurais des critiques à formuler sur ce concept exprimé dans sa pureté originelle mais ce n'est pas le sujet aujourd'hui. On ne peut pas ne pas voir que le discours laïcard d'aujourd'hui va bien au delà du discours humaniste et émancipateur. C'est l'idée même de religion, de spiritualité et de rites qu'il conteste. A bien des égards cela apparaît comme une nouvelle guerre de religion entre ceux qui ne croient en rien et refusent de croire contre ceux qui croient.
> La Gaule
Eh bien, si on pouvait toujours exprimer ses désaccords d'une manière aussi élégante, argumentée et dépersonnalisée, je serais le blogueur le plus heureux du monde !
Sur ces questions j'ai bien conscience de me retrouver totalement isolé, entre les toddiens fanatiques pour qui l'assimilation fonctionne et la crispation sur l'Islam est un leurre inventé par les classes dirigeantes pour détourner l'attention des sujets économiques pour lequel ils n'ont aucune réponse, et ce discours que tu viens de rappeler - de manière très mesurée - et qui correspond à peu près au point de vue de tous les commentateurs qui s'expriment sur ce site.
Tout ce que j'aimerais c'est que le discours sur l'islam et l'immigration quitte un peu le terrain de la critique morale pour revenir dans le champ politique, que l'on respecte un peu plus le fait religieux et que l'on admette qu'il y aura pour toujours des Français musulmans, parfaitement assimilés mais musulmans néanmoins.
Ce texte sur la laïcité n'est pas dans mes priorités et peut-être que je réserverais ça pour les réflexions que je vais développer dans mon essai car cela s'inscrit dans une critique plus globale du système politique libéral.
Pour moi la laïcité n'est en aucun cas un remède contre le communautarisme. Elle fait au contraire système avec lui. La laïcité c'est la neutralité religieuse de l'espace public (ou en tout cas l'espace politique) et le renvoi des questions morales et spirituelle dans la sphère privée. Dans ces conditions, il est tout à fait logique que les individus se regroupent par affinités culturelles et religieuses. Il n'y a que la résurgence d'une forme de religion civile qu'on l'appelle patriotisme républicain ou autre, qui puisse efficacement lutter contre le communautarisme. Il faudrait pouvoir recréer un sentiment s'appartenance qui pourrait s'imposer et transcender les sentiments d'appartenance communautaire.
Rédigé par : Malakine | 20 octobre 2010 à 12:42
Merci pour ta réponse tout aussi mesurée (le vélo, rien de tel pour la paix des ménages !). J’ai pas mal cogité dessus (hier, crevé, je me suis même endormi sur le clavier !) et je te livre les fruits de ma pensée, accouchée aux forceps. Ce n’est pas du Gauchet, mais essaie tout de même d’en tenir compte pour tes futurs commentaires.
1)
Pour moi, l’esprit laïc ne se confond pas forcément avec la laïcité militante, pas plus que celle-ci doive obligatoirement occuper totalement le terrain de la neutralité publique. L’intervention de M. Urville était je crois assez judicieuse à ce sujet. Il n’y a donc aucune raison que je ne te rejoignes pas lorsque tu identifies le travers du discours laïc (qui mérite alors, mais seulement alors, le terme de « laïcard »), qui est de dépasser la strict neutralité de l’espace public pour aller faire la police des esprit au-delà de cet espace.
Il se trouve que j’ai effectué toute ma scolarité primaire chez les pères –jusqu’en sixième- et la suivante au lycée public, des raisons matérielles ayant motivé le changement. Des enseignants animés d’un véritable esprit laïc, je crois que j’en ai connus dans les deux bords, de même que des bourriques sectaires.
Je me souviens d’un prêtre en CM2 qui avait tenté de nous faire saisir la complexité de l’univers –de l’atome aux galaxies- tout en sachant pertinemment qu’il risquait d’introduire ainsi le doute dans nos esprits, et en posant même ouvertement la question de la foi face à l’incommensurable (plus tard ce même personnage n’a vu aucun inconvénient non plus à ce que je rejoigne l’école publique, il m’a même aidé activement à préparer l’examen pour le faire –à l’époque, ce genre de chose existait).
2)
Ce n’est pas le fait religieux qui me pose problème, mais bien le prosélytisme, et par-dessus tout le prosélytisme agressif.
Par leur religion, les juifs, par exemple, ont gardé un sentiment communautaire très fort –et très visible- dans notre société, mais l’espace public laïc ne leur a jamais véritablement posé de problème, car il se trouve que le judaïsme a abandonné tout projet prosélyte depuis l’avènement de son concurrent direct le christianisme, soit il y a près de deux mille ans.
De nos jours, la tendance au prosélytisme qui marque certains mouvements fondamentalistes juifs, ne s’adressent qu’aux juifs et ne tendent à envahir pour l’heure que l’espace public israélien (à ce sujet, je ne pourrai jamais suivre les élucubrations d’un Soral ou de tout autre brodeur sur le thème du « complot sioniste ». La surreprésentation des juifs dans les métiers intellectuels, la finance ou la politique est un autre problème, celui laissé par les séquelles du christianisme dans notre civilisation, pas celui du judaïsme).
Ce qui est vrai pour le judaïsme, l’est à fortiori pour le bouddhisme ou le shintoïsme, peu prosélytes, et qui sont parfois passés par le stade de religion d’état sans jamais prétendre se substituer à lui.
Si toutes les religions n’étaient pas prosélytes et pouvaient se mouvoir harmonieusement entre elles dans la société comme les couleurs d’un kaléidoscope, alors soit, on pourrait concevoir de se passer d’un espace public neutre. Malheureusement, et particulièrement en France, l’histoire nous a montré combien cette idylle était difficilement transposable dans la réalité.
Il est coutumier d’opposer à cette objection le contre exemple américain. Mais il faut rappeler que la construction du nouveau monde a été directement influencée par les guerres religieuses européennes, et que les pères fondateurs et leurs ouailles ont eu pour soucis premier de ne pas répéter ces conflits sur la nouvelle terre promise. Le fait que l’arminianisme (la version la plus « tolérante » du protestantisme) ait été le courant religieux dominant a également permis à ce projet de se construire dans le temps (on peut se demander d’ailleurs ce qu’il en serait advenu avec les mouvements fondamentalistes contemporains). Je rappelle enfin que, bienveillance divine ou pas, l’organisation des pouvoirs publics aux Etats Unis n’a de compte à rendre qu’à elle-même, et que la neutralité arbitrale de l’espace public existe donc bel et bien aussi chez eux.
Nous n’avons, nous Français, de toute façon pas d’immense espace vierge à disposition (avec des indigènes à massacrer parce que ne figurant pas dans le cheptel divin), pour aller recréer une nouvelle harmonie religieuse entre nos communautés.
La France de 2010 est toujours fille de son histoire particulière et il faut reconnaître qu’elle éprouve de gros problèmes avec l’islam, parce qu’il s’agit d’une religion conquérante qui se définit par son prosélytisme, même si celui-ci ne revêt pas forcément une forme violente (relis les mutiples sens du mot djihad dans le lien que je t’ai donné), et un prosélytisme qui est susceptible de s’étendre à tourtes les structures de la société.
Tous les musulmans ne rêvent pas de reprendre Poitiers, cimeterre au clair, mais une formule telle que : « laissons les vivre tranquillement leur religion » n’a pas beaucoup de sens, surtout dans le cas du sunnisme (contrairement à une opinion répandue chez nous, le chiisme serait moins prosélyte et plus travaillé par des ferments séculiers).
Il est en tout cas IMPOSSIBLE qu’une communauté, qui ne se définirait que par cette religion, ne rentre pas en conflit avec ce que les français RESSENTENT de la neutralité de l’espace public, qu’ils entendent cette neutralité à travers la laïcité stricte ou pas, puisque je répète que cela n’est pas forcément le cas pour nombre d’entre eux.
Il faudrait abolir notre conception de l’espace public et transformer notre devise en « Liberté, Egalité, Communauté », ce qui serait absurde et totalement à rebours de notre histoire. Rien n’interdirait non plus alors ce que j’ai déjà défendu maintes fois sur ton blog, à savoir que, dans un contexte de « sortie de religion » (défendu autant par Todd que par Gauchet), la France majoritaire se reconnaisse à travers ses propres valeurs communautaires que serait la religion de l’anti-religion (ce que toi tu appelles le « laïcardisme » et sur lequel je ne te donnerai pas tort) et une sorte de féminisme réactionnaire au sens quasi physique du terme, qu’incarnent de façon prémonitoire aussi bien Marine Le pen (la tribunicienne virile prête à prendre la France à la hussarde) que Malika Sorel (la musulmane résiliente janséniste, plus républicaine que la république).
En terme de conflit potentiel et d’hégémonie d’une communauté sur les autres, je ne crois pas que nous y gagnerions grand-chose !
3)
Tu penses que c’est la laïcité qui a renforcé le communautarisme et je soutiens qu’il s’agit d’un contresens pour au moins deux raisons.
Il m’apparaît évident que les communautarismes, religieux ou non, se sont engouffrés dans les failles béantes de la puissance publique ouvertes au cours des dernières décennies. Je viens d’en parler assez longuement et je ne vais pas plus m’étendre sur le constat.
Je voudrais en second lieu te remémorer cette autre idée que j’ai déjà défendue à l’occasion sur ton blog, et qui appartient encore à Marcel Gauchet, lequel l’a longuement développée entre autre dans « La condition historique » (un ouvrage d’entretiens très aisé pour se plonger dans la pensée du grand Marcel).
Par effet dialectique, Le fondamentalisme religieux global à l’époque moderne est étroitement lié à l’essor de l’individualisme dans les sociétés occidentales. Le choc des civilisations a bien eu lieu, mais il s’est produit dans le for intérieur des individus, là où nous attendions des ruées et des guerres.
Dans ce mécanisme, l’acceptation de la volonté divine est moins une soumission sans condition à Dieu et au groupe originel, qu’un acte d’affirmation individuelle face à une culture étrangère « moderne » que l’on pressent menaçante. Le fondamentalisme est aussi l’acte volontaire du sujet qui se dresse face à Dieu et revendique sa foi. Il serait la première étape de l’esprit critique individuel.
Gauchet rappelle qu’un mouvement comparable a frappé l’occident lors de ces deux grandes secousses « civilisationnelles » qu’a été la réforme grégorienne autour de l’an mil et le schisme de la réforme protestante cinq siècles plus tard. Aujourd’hui, il serait patent dans la décision de nombre de jeunes filles musulmanes de reprendre le voile.
Il serait donc mal venu d’avoir pour le communautarisme religieux les yeux de Chimène de ceux qui croient y voir une sorte de retour par la bande du sens collectif, et d’un nouvel esprit public régénéré par un sain retour à des valeurs millénaires. Le communautarisme religieux n’est qu’un avatar par mi d’autres de la mondialisation individualiste et marchande impulsée par l’occident. Même s’il s’inscrit dans une évolution logique que nous avons nous-même connue, il est à bien des égards un phénomène aberrant.
CONCLUSION :
Ou comment ne pas sombrer dans le pessimisme à ma droite ou faire le canard de manière totalement improductive à ma gauche ? Tu te définis toi-même comme un « techno », ce qui n’est pas une tare, mais porte souvent les meilleurs du genre à vouloir « faire quelque chose » à tout prix face à l’urgence du problème, ce qui peut les conduire à oublier des paramètres aussi essentiels que le temps long de l’histoire où, à court terme, les individus concernés en chair et en os !
Tu dis qu’il faudrait une croyance collective supérieure pour contrer le communautarisme, et je t’informe qu’elle existe, plus forte que la république, dont je suis souvent d’accord avec toi pour estimer que la malheureuse à le plus souvent servi récemment de cercueil-gigogne propice à y fourrer tous les renoncements.
Il s’agit de la Nation, dans laquelle encore beaucoup de français, y compris des français musulmans, sont prêts à se reconnaître.
Mon voisin par exemple (on me reproche régulièrement de mêler la grande histoire à ma petite existence mesquine, c’est justement que je n’ai pas le choix. Avant de me mettre tardivement à lire et à écrire des trucs, j’ai essentiellement mené une vie de con).
Un « jeune » (voisin exemplaire), musulman, croyant et pratiquant, mais que la reconnaissance d’un espace public laïque ne dérange pas plus que ça, PUISQU’IL S’AGIT D’UNE PREROGATIVE DE SON PAYS D’ACCUEIL, pour lui qui désire avant tout être un français chez les français, et qui trouve tout à fait normal pour cela, par exemple, de ne pas souhaiter transformer sa future épouse en Belphégor.
Je ne pense pas que ce jeune musulman là soit une exception, et je crois aussi qu’il manque à toutes nos palabres spéculatives une donnée essentielle : ce que pensent réellement en profondeur les musulmans de ce pays, dans toute leur hétérogénéité, et ce que penserait une majorité d’entre eux si la Nation française, par une de ces lubies technocratiques dont elle a été prolixe ces dernières décennies, abandonnait définitivement ce qui a largement prouvé sa force par le passé.
J’en ai parlé récemment avec un militant de DLR qui souhaitait s’informer des raisons de ma défection (je le lui ai dit, ce qui ne nous a pas empêché d’avoir une conversation très cordiale pendant près d’une heure –il n’y a que par écrit que je deviens parfois méchant et, étant passé par là, je n’enverrai jamais balader un bon militant, de quelque obédience qu’il soit).
Il m’a déclaré un moment être désemparé par l’évolution politique des maghrébins d’une cité près de chez lui, lesquels en ont tellement marre d’être confondu avec les racailles qu’ils se sont mis à voter Le Pen en force aux dernières régionales. Je lui ai dit que je connaissais aussi des exemples du même genre dans mon coin, et que l’Immigration (avec un grand I) était un continent largement inconnu, qui pouvait nous réserver bien des surprises.
C’est tout (paix aux hommes de bonne volonté).
Rédigé par : La Gaule (attention, texte de base !) | 22 octobre 2010 à 04:39