L’écriture, c’est comme le sport. On perd très vite dès qu’on arrête et la reprise doit toujours se faire en douceur, sous peine de se faire mal ou de se dégouter. Il est maintenant temps que je réactive ce blog avant que l’envie de m’exprimer disparaisse de nouveau.
On va donc reprendre avec un petit article à l’écriture relâchée et sans densité particulière, en espérant qu’il aura la chance de ne pas finir à la corbeille avant même d’être achevé, contrairement à mes premières tentatives de rentrée. Pour cela, rien de mieux qu’un petit tour d’horizon de l’actu du mois écoulé.
Sarkozy n’est pas un président mais un animateur de talk show !
Sarkozy est un génie … de la communication politique. En grande difficulté avec l’affaire Woerth ainsi que sur le front purement sécuritaire après les évènements de Grenoble, il aura donc suffit d’un discours musclé et volontairement polémique pour qu’il reprenne la main. Tout le monde est tombé dans le panneau en dénonçant une « dérive sécuritaire », alors qu’aucune des mesures ne visait la lutte contre la criminalité. La déchéance de la nationalité annonçait une (mini) réforme du droit de la nationalité. Quant au cinéma fait autour des Roms, il caractérisait une (bien timide) lutte contre l’immigration clandestine. Comme le souligne très justement Marine Le Pen dans un communiqué « la manifestation contre la prétendue politique sécuritaire du gouvernement est le plus beau cadeau dont pouvait rêver le président de la république »
Pourtant, depuis trois, ans la « méthode Sarkozy » devrait être bien connue de tous. Le discours y tient lieu d’action et la polémique sémantique, de débat d’idées. Il est incroyable que cela fonctionne encore ! Quand se décidera t-on à laisser parler ce président trop bavard et à le juger uniquement sur les actes et les résultats de son gouvernement ?
Plus incroyable encore est cette polémique sur le retour plus ou moins volontaire des Roms. A Grenoble il s’agissait de caïds des cités et à Saint Aignan de Gitans, ou si l’on préfère le langage politiquement correct, de « gens du voyage ». Les expulsions de Roumains n’ont d’ailleurs pas attendu cet été pour commencer. D'où vient donc ce psychodrame ? Le Gouvernement avait juste besoin d’agiter un chiffon rouge pour mettre en scène sa prétendue fermeté. Et ça a marché !
Parfois le système médiatique semble aussi crétin qu’un taureau de corrida, qui jusqu’au coup de grâce final, s’évertue à foncer sur la cape du matador sans jamais voir l’homme qui s’abrite derrière et joue avec lui. Sarkozy est vraiment passé maître dans l’art d’animer la scène médiatique et de manipuler l’opinion. Ce n'est pas un président, mais un animateur de talk-show !
PS s’y voit déjà
On se croirait revenu en 2005-2006 quand tout le système médiatique s’était amouraché de Ségolène Royal en qui il voulait voir l’espoir de la gauche et un magnifique renouveau de la vie politique. Les socialistes, bercés d’illusion par leurs victoires locales et des sondages flatteurs, pensaient revenir au pouvoir par le jeu mécanique de l’alternance. On sait ce qu’il en est advenu ...
Mêmes causes, mêmes effets, avec cette fois DSK dans le rôle du sauveur et un deuxième présidentiable en guise de plan B mais tout aussi assuré de gagner. Pourtant, il n’y a pas grand-chose de nouveau sous le ciel socialiste. Une apparence d’unité, éventuellement. Mais qui reste à confirmer lors de leurs primaires où la vacuité du débat de fond devrait logiquement faire porter la compétition sur des questions de personnes.
Sur le fond, la rénovation du PS a fait long feu et l’on serait bien en peine de souligner la moindre inflexion du logiciel socialiste depuis 2002. Le dernier texte programmatique publié fin Août sur les questions internationales et européennes est un monument de pensée molle, un florilège de lieux commun et de vieilles chimères : la gouvernance mondiale, la paix dans le monde, les droits de l’homme, l’immigrationisme généreux, la solidarité entre pays riches et pays pauvres, l’harmonisation sociale et fiscale, l’indépassable couple franco-allemand, avec une nouveauté toutefois : le juste échange !
Attention, ce n’est pas du protectionnisme. Le texte fustige suffisamment à longueur de page "les égoïsmes nationaux" pour qu’on évite de faire la confusion. Le juste échange, ce n’est pas de la protection commerciale, c’est l’incorporation dans les règles de l’OMC de normes éthiques pour favoriser un meilleur développement des pays émergents !
Même le libéral-mondialiste (mais néanmoins talentueux) Eric Le Boucher exhorte les socialistes à abandonner les chimères du gouvernement mondial et de leur rêve d’une autre Europe pour « revenir à la France » !
Le PS ne me semble avoir en rien comblé le profond fossé qui le sépare de l’opinion en général et celui des catégories populaires en particulier. Ce décalage ne tardera pas à se manifester au grand jour. S’il continue sur cette lancée, il est même fort douteux que le PS avec son discours centriste-bien pensant-xenocentré puisse accéder au second tour en 2012. Donné aujourd'hui à 20/25% selon ses candidats possibles au premier tour, avec les dynamiques de campagnes de ses concurrents et sa très probable piètre campagne, il ne devrait pas passer la barre de qualification.
Une élection présidentielle n’est pas une élection régionale. La rente de situation d’être le principal parti d’opposition ne suffit pas. L’histoire l’a déjà montré.
Si la fièvre démagogique de l’été a semble t-il permit à la cote de Sarkozy de remonter, elle a curieusement fait apparaître de profondes fissures dans sa majorité. Eric Zemmour a magnifiquement ironisé sur ces « rebelles de bac à sable » qui aimeraient sortir la tête haute d’un gouvernement dont ils devraient être virés dans quelques semaines en espérant « tomber à gauche » pour s’attirer les faveurs du système médiatique.
Les états d’âmes de ces loosers ne font en réalité que de servir son image de fier à bras. Plus inquiétant pour Sarkozy est en revanche l’offensive de Jean François Copé qui dans un double mouvement d’apparence contradictoire, s’affiche plus sarkozyste encore qu'Estrosi et revendique ouvertement la direction du parti présidentiel. Pour diriger la campagne et redonner un fond de doctrine au parti majoritaire ou pour orchestrer la destitution de Sarkozy et le choix d’un autre candidat dès 2012 ?
Chirac n’avait pu empêcher la conquête de l’UMP par Sarkozy. Celui-ci pourra t-il longtemps résister à l’offensive du plus doué de sa génération ?
Ca sent déjà la fin de règne …
Les écolos sont décidemment de sacrés bêtes politiques ! Après avoir réussi à nous faire croire en pleine crise mondiale que le principal danger pour la planète était le « réchauffement climatique » et ainsi de triompher aux dernières européennes, ils viennent de sortir de leur chapeau un OVNI politique qui pourrait bousculer les plans des socialistes pour 2012.
Neuve en politique, une image de sage, d’origine étrangère, un discours moral et éthique tout à fait dans l’air du temps, Eva Joly a tout pour séduire l’électorat bien pensant, urbain et aisé qui fait le cœur de l’électorat PS. Les écolos, s’ils ne sont pas les derniers à savoir délirer, ont toujours les pieds sur terre lorsqu’il s’agit de faire passer leurs idées ou de réussir des coups électoraux. Eux, au moins, semblent avoir compris le type de personnalité que les Français attendent pour la présidence de la République. Même avec son petit accent et son inexpérience politique, Eva Joly fera toujours plus présidente que Martine Aubry !
La Belgique en instance de divorce
Comme on pouvait s’y attendre, le préformateur Elio di Rupo a échoué dans sa mission de négocier avec Bart de Wever, le leader du parti autonomiste Flamand, les bases d’une réforme de l’Etat Belge pour accompagner son “évaporation”. Et l’on reparle donc ouvertement d’une scission du pays. La nouveauté c’est que les responsables francophones commencent à l’envisager également.
L’autre élément nouveau c’est que les Flamands semblent prêt à faire leur deuil de Bruxelles, leur capitale officielle, si cela devait être le prix à payer pour obtenir rapidement leur indépendance. Par conséquent, l’option qui commence à se dessiner est une scission pure et simple du pays avec d’un coté la Flandre et de l’autre, un regroupement Bruxello-Wallon, mais sans rattachement à la France.
Malheureusement, à la notable exception de NDA qui vient une nouvelle fois de tendre la main aux français de l’extérieur que sont nos amis Wallons, on n’a pas entendu beaucoup de voix cet été pour envisager cette réunification de la France. Le dernier espoir des rattachistes aujourd’hui semble aujourd’hui devoir se se placer dans les marchés financiers (un comble!) qui ne devraient pas tarder à faire savoir ce qu’ils pensent d’une éventuelle partition de ce pays surendetté. On lit qu’un Etat Bruxelles-Wallonie serait viable financièrement. Cette question relève toutefois aujourd’hui davantage des agences de notations et des spéculateurs que des économistes ou des politiques.Attendons donc, mais je crains fort que la France soit en train de perdre une occasion historique de retrouver (une partie) de ses frontières naturelles et par extension de sa dignité et de son orgueil national.
Sur le plan économique, la principale information de l’été aura probablement été la confirmation du décrochage économique entre la France et l’Allemagne. Alors que la France a fait un 0.6% au second trimestre 2010 (ce qui a suffit à Christine Lagarde pour pousser des cris de joie) notre grand voisin a fait 2.2 %. Comme cela était prévisible, l’éphémère chute de l’Euro aura presque exclusivement profité au champion du monde des exportations.
Après une flamboyante coupe du monde qui n’aurait jamais du échapper à la Mannshaft, l’Allemagne semble en pleine forme, de nouveau sûre d’elle, pas encore trop ouvertement dominatrice mais légitimement fière de ses succès. Cette renaissance après une décennie plombée par la réunification ne manquera pas d’avoir des conséquences sur le fonctionnement de l’union européenne. Des sérieuses tensions sont à prévoir entre “le modèle” et “les mauvais élèves”, à moins que ces derniers prennent l’habitude de se coucher face à l’autorité du champion, comme Sarkozy a commencé à nous y habituer ces derniers mois.
Que l’Allemagne aille bien, il y a cependant tout lieu de s’en réjouir. Lorsqu’on observe les tensions xenophobes et islamophobes qui prospèrent en France alors que la crise économique ne l'a pas encore frappé (tant qu’on peut emprunter…) on imagine quelle serait la situation en Allemagne si ce pays s’enfonçait dans le désespoir économique et la régression sociale.
La polémique entraînée par le pamphlet de Thilo Sarrazin rappelle que l’Allemagne connaît autant de problème que nous avec l’intégration de ses populations issues de l’immigration. Probablement même, bien plus, car la culpabilité encore pesante du nazisme y interdit tout discours assimilationniste qui serait perçu comme une résurgence de racisme ou de xénophobie. L’ampleur de la polémique entraînée par le bouquin de Thilo Sarrazin donne une idée de la force du tabou qui pèse sur le sujet comme des tensions qui sommeillent. Et pourtant, à ce qu’on a pu en lire, ce livre paraît bien gentillet en comparaison du déluge de haine régulièrement diffusé par Riposte Laïque. Que les tensions au sein de la société allemandes montent, que ce tabou saute, et il y a fort à parier que l’Allemagne nous offrirait très vite un visage beaucoup moins sympathique.
Le jour où l’économie allemande marquera le pas en raison d’une nouvelle contraction du commerce mondial, beaucoup se réjouiront de la preuve ainsi apportée de la fragilité de son modèle économique trop masochiste et extraverti. Je n’en serais pas, mais pour de toutes autres raisons. Ce jour là, les années 30 seront vraiment de retour.
Malakine
çà fait plaisir de te relire... très bonne rétrospective en tout cas.
Petite précision sur l'éclatement de la Belgique : çà foutrait aussi un peu le bordel au sein de l'UE : comment se partager les commissaire européens et les eurodéputés entre flamands et Wallons ? Pire encore, si la Wallonie se rattache à la France... cette dernière serait fondé à demander un accroissement des ses droits de vote au conseil...
Rédigé par : Franc-tireur | 08 septembre 2010 à 16:29
Salut Malakine.
Bien content de vous revoir.
Au sujet de Sarrazin , la grosse part de la polémique médiatique porte sur le "gène juif".
Il dit que les juifs auraient un "gène spécifique."
C'est ce qui lui a valu son départ de la Bundesbank
Rédigé par : Abdel | 08 septembre 2010 à 21:24
Cela fait plaisir de te lire à nouveau.
J'avoue que je me pose beaucoup de questions sur le potentiel d'Eva Joly. Entre son âge et son fort accent étranger, sa candidature ne manquent pas non plus de faiblesses pour un tel poste.
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 08 septembre 2010 à 21:37
@Malakine
Bravo pour cette revue et content moi aussi de lire à nouveau ce ton incisif... enfin je voulais dire un article qui exprime une position (contrairement à notre presse nationale).
Sur les écologistes : Eva Joly représente la branche canal historique "Europe Ecologie". Hors ce mouvement hétérogène n'exprime pas les mêmes positions que le parti des Verts notamment sur la question européenne. En effet, Yves Cochet est à Daniel Cohn-Bendit ce que Gérard Schivardi (ex membre PS) est à Dominique Strauss-Kahn : ils sont aux antipodes l'un de l'autre. Hors il existe chez les Verts une fraction importante d'opposants aux traités européens et à l'Europe fédérale défendue par DCB d'après une étude menée en 2005 lors du TCE lorsque les Verts s'étaient prononcés pour le "Oui" de justesse.
Si on ajoute à cela les divisions sur l'alliance avec le PS, on mesure à quel point le programme politique défendu par les Verts est loin d'être cadré.
Donc Eva Joly ou un autre candidat peu importe, la stratégie des Verts pour 2012 n'est pas celle du renouveau de l'écologie politique en France mais s'apparente plutôt aux slogans commerciaux du Pack SFR !
A lire également sur le sujet :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20100822.OBS8818/les-verts-lancent-eva-joly-dans-la-course-a-la-presidentielle.html
Rédigé par : Santufayan | 09 septembre 2010 à 08:28
Bonne rentrée.
Je suis en train de lire le livre de Védrine, " Le temps des chimères ".
Très intéressante sa position, loin des nunuches proeuropéens par croyance béate.
Il n'en souligne pas moins l'intérêt d'une Europe puissance, loin d'un pacifisme sans conditions, apte à peser sur le plan géopolitique et diplomatique.
Il critique largement l'évolution de l'union européenne depuis 15 ans.
Je pense que la position de Yann arguant des exemples sud coréens ou autre ne permet pas de prendre en compte les équilibres multi polaires des grandes puissances, US et Chine maintenant.
Se contenter d'un souverainisme à l'échelle d'un petit pays me parait aussi de courte vue car il y a des enjeux de masse planétaire qu'un pays comme la France ou l'Allemagne ne peuvent pas assumer seuls.
Renoncer à jouer un rôle sous prétexte de souveraineté rétrécie, c'est subir l'évolution en cours plutôt que d'y participer et d'influer.
Par bien des aspects la conception de l'europe selon Védrine se rapproche de NDA, grands projets de recherche te industriels.
Dommage que les européistes béats aient corrompu l'affaire par leur recherche d'idéologie de remplacement à celles disparues. Sans eux tout un ardu travail de négociation aurait put être mené et aurait amené une autre Europe autre qu'un corps gazeux en infinie extension et dissolution.
Rédigé par : olaf | 11 septembre 2010 à 12:19