La question de la régularisation des sans papiers revient à intervalles réguliers au devant de la scène. Il y a un an, le débat était agité par les gauchistes de RESF qui demandaient la régularisation tous les sans papiers dont les enfants étaient scolarisés. Cette année, ce sont les travailleurs sans papiers, soutenus par leurs patrons, qui revendiquent la régularisation.
En vertu des principes de « l’immigration choisie » voulue par le président, ces sans papiers devraient tous être automatiquement régularisés. Le fait qu’ils travaillent, le plus souvent dans un secteur dit "en tension", suffit à prouver qu’il constituent cette "immigration de travail dont la France a besoin".
Pourtant, le gouvernement reste crispé sur le discours classique que tout gouvernement tient depuis plus de 10 ans quand il s'agit de sans papier : « Pas de régularisation collectives mais un examen au cas par cas »
Dans un article « l’immigration choisie ou la passager clandestin de la rupture » du mois de novembre dernier, j’avais montré que la relance de l’immigration, si elle s’inscrivait dans le modèle américain, cher à notre président, et si elle répondait aux revendications du patronat, ne cadraient pas du tout avec ses thèmes de campagne et notamment les aspirations de l’électorat populaire que Sarkozy a attiré à lui en 2007. Le gouvernement est donc sur la question extrêmement mal à l’aise et incapable de communiquer clairement.
Sarkozy n'a pas été meilleur que son ministre de l'immigration ce soir dans son show télévisé, en confondant volontairement, régularisation et naturalisation, application de la loi et examen au cas par cas des dossiers.
L’attachement persistant à la notion d’examen individuel des dossiers "au cas par cas" mérite qu'on s'y arrête. Le cas par cas, c’est pourtant la porte ouverte à ce qu'on aime à dénoncer comme le « deux poids deux mesures ». Dans un pays aussi attaché à l’égalité de droit, il est étonnant que cette formule soit perçue aussi positivement lorsqu’il s’agit de sans papiers.
Tout le monde sait que la quasi totalité des dossiers des travailleurs sans papiers connaîtra une issue positive. Même les élus de droite le demandent. Une mesure générale serait d'ailleurs tout à fait en phase avec la réouverture de l'immigration de travail sur les métiers en tension. Elle en constituerait simplement une application rétroactive.
Mais le gouvernement ne peut pas dire que tous les sans papiers qui ont fait la preuve de leur intégration dans la société française et qui exercent un métier dans un secteur connaissant une pénurie de main d’œuvre auront vocation à être régularisés. Ce serait simple, compréhensible, équitable et cohérent avec sa politique globale d'immigration.
Impossible cependant. Ce serait aussitôt interprété comme "un appel d’air pour l’immigration clandestine" ou "une prime à la fraude" ou "l'acceptation du fait accompli". Sarkozy reste prisonnier du discours de l'immigration zéro, longtemps dominant à droite.
Il n'arrive pas à assumer ses nouvelles orientations en matière d'immigration. Ce soir encore, Sarkozy a alterné entre deux discours contraires. Il a considéré nécessaire de développer l'immigration de travail, tout en souhaitant que les emplois vacants soient prioritairement occupés par les demandeurs d'emplois existant, et en particulier par les demandeurs d'emplois étrangers (comme si ces emplois devaient par nature être occupés par des étrangers!)
Ces deux discours sont pourtant contraires. Soit on considère que c'est le travail qui créé le travail, que le problème de la France est que les français ne travaillent pas assez. Dans ce cas de figure, un travailleur sans papier ne prend pas le travail d'un autre, pas plus qu'un retraité qui complète sa retraite par un petit boulot ne prend le travail d'un actif, ou qu'un salarié qui fait des heures sups prends du travail qui pourrait être donné à un chômeur. Dans ce schéma, le travail n'est pas un stock fini, c'est un facteur de création de richesse.
Soit on considère, au contraire, que la quantité de travail dépend surtout de facteur tels que la compétitivité du secteur productif et le pouvoir d'achat des résidents. Dans ce schéma, la quantité de travail disponible est une résultante. Le partage du temps de travail peut se concevoir et la restriction de l'immigration s'impose tant qu'il reste du chômage de masse.
Faute de pouvoir tenir un discours clair sur sa conception de l'emploi comme sur sa politique de l'immigration, Sarkozy s'est une nouvelle fois réfugié derrière le fameux « cas par cas » Les principes de la future régularisation sont clairement affichés. Ils s’appliqueront à tous mais ils seront appliqués « au cas par cas ».
La différence entre une somme de décisions individuelles de régularisation et une politique gouvernementale de régularisation est infime en pratique, mais énorme sur le plan juridique et symbolique.
Sur le plan juridique, l’appréciation au cas par cas, permet de ramener la régularisation à une situation d'exception, une forme de grâce accordée souverainement par un représentant de l’autorité publique. En aucun cas, la régularisation ne peut être un droit pour le sans-papier.
Sur le plan symbolique, elle prétend éviter l’appel d’air pour les candidats à l’immigration clandestine en faisant planer un doute sur l’issue du périple. Un clandestin ne sera pas nécessairement régularisé au bout de quelques années, dès lors qu'il aura trouvé un travail dont un français n'aura pas voulu, qu'il sera apprécié de son patron, qu'il cotisera à la sécu et paiera ses impôts et qu'il parlera parfaitement la langue. Il sera toujours soumis, in fine, à l’arbitraire du fonctionnaire qui examinera son dossier, lequel pourra toujours lui refuser des papiers, de manière totalement discrétionnaire
L'attachement au traitement des dossiers au cas par cas, signifie finalement une volonté de maintenir de l’arbitraire dans les rapports de l’Etat avec les sans papiers. Grâce à cet aléa, les décision de régularisation n'apparaissent pas comme une relance de l'immigration de travail, mais comme des décisions humaines, voire humanitaires.
Du coup, tout le monde est content. Il n'est pas sûr pour autant que cela fasse avancer le débat sur l'immigration.
Malakine
Dans l'affaire dont on parle actuellement des salariés de la restauration, Sarkozy le sait très bien puisqu'il l'a presque sous-entendu au cours de son intervention d'hier soir, on n'a pas du tout affaire à des gens qui "remplissent les critères" pour une régularisation, puisque leur premier acte lors de leur entrée sur le territoire, voire même avant, a été de se procurer de faux papiers qui leur ont permis de trouver un travail (!). C'est donc fort logiquement que Sarkozy n'a ouvert la porte ni à une régularisation systématique (elle aurait quelque chose de tout simplement scandaleux, pour tous ceux qui respectent les règles et qui voient leur demande rejetée pour une raison x ou y), ni à des expulsions par paquets de dix, les deux étant en plus des pièges redoutables sur le plan de la popularité qui est précisément ce qui manque actuellement à Caliméro...
Sarkozy a donc parlé, parce qu'il n'avait pas vraiment le choix, de régularisations au cas par cas tout en fronçant les sourcils (bouh, on a eu peur !), mais il n'est pas garanti du tout qu'elles soient prononcées, puisqu'il a aussi parlé de... permis de séjour dans la même affaire !
M'est avis, donc, que tout dépendra surtout de la pression exercée par les employeurs qui disent avoir été "trompés" au départ, et aussi (plus on s'éloignera de Paris, plus ça risque d'être vrai) de la volonté de certains préfets de se faire bien voir par leur hiérarchie.
On sera, dans tous les cas, bien loin certainement de la définition d'une norme pour les cas de ce genre, où si l'on s'en tient à l'esprit de la loi, les clandestins "détenteurs et utilisateurs de faux papiers" devraient être expulsés sans autre forme de réflexion (on en a expulsé beaucoup pour moins que ça).
Ingérable. Dès la seconde en tout cas où Sarkozy refuse, par peur des effets (et goût de redorer son blason), d'être cohérent avec la politique qu'il a lui-même annoncée.
Rédigé par : Poliblog | 25 avril 2008 à 00:50
salut les gars,
c'est juste pour dire que je viens de pondre ma premiere note d'analyse antisarkozyste.
http://bea.hautetfort.com/archive/2008/04/24/90-minutes-de-mensonges.html
amitiés,
le Belge
Rédigé par : Belgo4.0 | 25 avril 2008 à 10:13
@Poliblog,
NS a fait une grosse erreur: alors qu'il était seulement question de donner un permis de séjour, il a insisté sur la loi par laquelle on pouvait devenir français, ce n'était pas la question posée.
Par ailleurs, j'aurais aimé qu'un des journalistes pose la question précise du Café de la Jatte dont il est un client fidèle et régulier et où certains maliens travaillent depuis 10 ans parfois.
Pourquoi aucun de ceux qui l'interrogeaient ne lui ont-ils pas fait remarquer que les RTT, l'intéressement et même les heures sup. ne concernaient pas tous les salariés, loin de là. Sauf V.Auger et Y.Calvi, ils se couchaient devant lui comme lui devant Pékin où Raffarin et Poncelet se sont mis à plat ventre.
Autre question: pourquoi une chinoise était-elle venue porter la flamme à Paris? Il semblerait de plus qu'elle n'ait pas été bousculée!
Silence sur l'Europe, confusion sur la Chine, silence sur l'atlantisme et ambiguïté sur d'autres sujets.
Dans l'ensemble, décevant et ceux qui attendaient des réponses sur le pouvoir d'achat sont restés sur leur faim.
Rédigé par : Philippe | 25 avril 2008 à 10:18
Je pense qu'on peut sortir du tout ou rien sans tomber dans le cas par par cas, qui est anti-politique au possible. Pourquoi ne pas afficher quelques critères simples, en y ajoutant l'absence de fraude, le quasier judiciaire vierge, la bonne foi de l'employeur ou que sais-je ...
Il n'empêche que cette affaire pose le problème de la politique de l'emploi. Comme je le dis dans le texte, soit on force les demandeurs d'emplois à prendre les emplois vacants, quitte à les former pour cela. (Il y a des montagnes de crédits mal utilisés sur la formation professionnelle qui gagneraient à être recycler sur la formation des chômeurs) Soit on fait venir de la maind'oeuvre de l'étranger.
Je ne sais pas si ces deux options sont réellement compatibles. En tout cas, moi, j'y vois une contradiction fondamentale.
Rédigé par : Malakine | 25 avril 2008 à 10:19
Attendez avant de commenter l'émission d'hier ! Je prépare un article en commentaire. Je devrais le publier dans l'après midi.
Félicitation le belge pour ton article. Je mets ton blog en lien dans les blogs partenaires.
Rédigé par : Malakine | 25 avril 2008 à 10:23
eh bien j'en suis honoré, merci
Moi j'attends ton article avec impatience.
J'ai du taf, mais je commenterai surement...apres l'avoir é-tu-dié.
le Belge
Rédigé par : Belgo4.0 | 25 avril 2008 à 11:07
Bah, moi je n'ai pas eu trop de temps aujourd'hui mais ce soir je reviendrai sur l'intervention, si l'on peut dire de Sarkozy, avec dans la foulée un passage de Wauquiez sur iTélé ce matin qui m'a quelque peu... ben troué le fion, sur la méconnaissance profonde (on pourrait dire totale) par les politiques des problèmes liés à l'emploi.
Assimiler d'une façon ou d'une autre le sujet des immigrés (ou clandestins) au sujet de l'emploi en France, c'est en tout cas faire preuve d'une lâcheté tout à fait hors normes qui permet de minimiser les deux problèmes en créant des passerelles entre les deux qui n'ont pas lieu d'être, en particulier dans un pays qui compterait (officiellement) 7,5 % de chômeurs.
Rédigé par : Poliblog | 25 avril 2008 à 18:15
j aime beaucoup l étiquette gauchiste accolé a resf ça étonnerait sans doute beaucoup de leurs militants qui parfois se classent à droite et qui pour la plupart n avais jamais fait de politique. a tout prendre ségoléniste ( le charme discret du vide sidéral de la pensée petite bourgeoise )ou dsk.. iste vous savez le " socialiste " qui s est fait élire a la téte d un gang de gangster économique ( dixit le bouquin de john perkins ). finalement resf sa rapporte rien ( si des ennuis avec la police ) alors que certain peuvent penser que bien malakine profites toujours a quelques un :)
Rédigé par : yazid | 29 avril 2008 à 15:28
@ Yazid
Non ? RESF ne sont pas des gauchistes ? Apparemment ça vous a vexé que je qualifie ainsi ce mouvement. Vous avez peut-être raison après tout. Le gauchisme est une notion qui date des années 70, une époque où il y avait des idéologies que certains défendaient en posant des bombes. Est ce que le terme de libertariens vous conviendrait mieux ?
Rédigé par : Malakine | 29 avril 2008 à 15:58
Je découvre votre blog, et je réagis donc tardivement...
Une petite précision: l'immigration de travail voulue par Sarkozy concerne uniquement des emplois très qualifiés, et ceux de secteurs "en tension" (restauration, BTP), mais réservés aux ressortissants des nouveaux "adhérents" à l'Union Européenne !
Avec quelques relents racisto-xénophobes, donc.
L'appel d'air me semble être une vraie foutaise : les pauvres chercheront toujours à l'être moins, avec ou sans vrai-faux appel d'air ! Il s'agit de réfléchir à comment faire face à cette problématique.
Tout à fait d'accord sur le cas par cas et l'arbitraire... qui donnent quelques inquiétudes en termes de démocratie.
http://social.societal.free.fr/?tag=sans-papiers
Rédigé par : Account Deleted | 09 mai 2008 à 18:11