Jean Pierre Chevènement tente de nous expliquer les motifs de son ralliement dans un article publié hier sur son site "Une page se tourne, une autre s'ouvre".
Avant de commenter, il faut s’efforcer de comprendre. S’agit-il d’une nouvelle alliance politique, d’un nouveau positionnement tactique pour donner plus de poids à ses idées, d’un ralliement opportuniste à finalité politicienne, ou simplement du retrait d’un candidat qui a estimé ne pas avoir la force et les moyens de mener campagne ?
Un peu de tout cela à la fois, semble t-il.
Une alliance politique ?
JPC présente tout son ralliement comme une alliance politique, qui en quelque sorte refermerait la parenthèse ouverte en 1992 avec la création du MdC et ouvrirait la voie à la réconciliation de la famille socialiste et républicaine. JPC cite ainsi Ségolène Royal qui aurait dit « Ce n'est pas une union factice, mais une alliance au long cours, de mouvement à mouvement, de personne à personne. C'est un moment très important pour l'histoire de la gauche ».
A ceux qui oserait en douter, Jean Pierre Chevènement, conseille notamment à l’attention des blogueurs « qui se croiraient autorisés à donner des leçons de pureté de se reporter au texte de l’accord. » « un accord qui prend pleinement en compte nos préoccupations ».
Le PS aurait donc été converti aux thèses de Chevènement ? Diantre ! Allons donc examiner le texte de cet accord « historique » comme nous y invite le Che.
Une remarque liminaire toutefois. Quelle valeur a-t-il ? Il est présenté sur le site de campagne de JPC comme un projet d’accord. Pourquoi projet ? Il reste à valider par le PS ? D’ailleurs, notons que le site du PS à l’heure où j’écris ces lignes toujours pas ledit accord. En revanche l’accord avec PRG est en ligne, qu’il faut d’ailleurs lire pour se rendre compte que le PS dit dans ce genre d’accord exactement ce que le partenaire a envie d’entendre. François Hollande vient d’ailleurs aujourd’hui de le dire explicitement au Figaro.fr. Admettons néanmoins qu’il engage le PS.
Ce texte contient certes quelques avancées : la hausse du tarif extérieur commun, le transfert d’une partie des cotisations patronales vers la valeur ajoutée ou la contribution accrue des revenus du capital au financement de la protection sociale. On est tout de même très loin de la rupture avec le libre-échange que promettait JPC dans son discours inaugural de campagne quand il disait vouloir passer « conception qui privilégie la croissance par les exportations hors d’Europe à une conception qui privilégie la croissance par le développement du marché intérieur en Europe».
Le texte accepte même clairement l’idée même d’économie mondialisée : « réussir pour donner un sens à cette mondialisation », « impulser une politique industrielle capable de relever les défis d’une économie mondialisée » « Plus que jamais dans la mondialisation nous devons faire le pari sur l’intelligence ».
L’idée de protection économique, qui faisait l’originalité et la force du discours initial de JPC,est reprise de manière tellement affaiblie dans sa formulation qu’on ne peut s’empêcher d’y voir un renoncement.
On est passé de « reconstruire une préférence européenne par une réglementation anti-dumping social aux frontières de l’Union » à « protéger l’industrie européenne en renforçant le tarif extérieur par une clause anti-dumping social ».
En clair, dans un cas, vous avez un système général de taxes qui équilibre les coûts de fabrication des pays à bas coûts avec ceux de l’Europe. Dans l’autre, une simple mesure de sauvegarde que l’on peut appliquer lorsque des pays tiers cassent manifestement les prix pour gagner des parts de marchés, ce que l’UE a fait sur le textile par exemple, avec l’efficacité que l’on sait. Dans le premier cas, une réorientation de la construction européenne. Dans l’autre, un rappel de ce qui existe actuellement dans les traités.
L’exégèse de convainc guère de la réalité d’une alliance politique de mouvement à mouvement qui se serait faite sur la base des thèses de JPC. La mise en garde, assez déplaisante d’ailleurs, aux « donneurs de leçon en pureté » sonne d’ailleurs comme un aveu. Oui, le discours y a perdu en force et en pureté. Si alliance il y a, elle ne peut d’ailleurs se traduire que par une dilution des analyses républicaines dans la pensée dominante socialiste. Il n’y a donc pas de quoi sauter en l’air !
L’essentiel est en fait ailleurs, dans l’influence que JPC saura avoir sur Ségolène Royal. Il nous dit que « le courant passe entre eux » et elle dit qu’il s’agit d’une alliance « de personne à personne ».
Vers un Ticket-Royal Chevènement ?
JPC nous dit dans que son nouveau positionnement d’allié s’avèrera plus efficace pour faire prendre en compte ses thèses qu’un positionnement de concurrent : « J'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de privilégier un choix stratégique : celui d'être présent et actif à l'intérieur plutôt qu'à l'extérieur, au risque de durcir inutilement les différences ».
On peut effectivement rêver d’un ticket Royal-Chevènement et d’un partage des rôles dans la campagne. A Ségolène le coté maternel et la fonction d’incarnation. A Jean Pierre, l’incarnation de la virilité du pouvoir, les grands sujets politiques, économiques et les relations internationales. Ségolène à l’Elysée pour sourire aux Français et leur témoigner tout l’amour et la compréhension qu’ils méritent ; Jean Pierre ferraillant au Quai d’Orsay ou à Matignon avec ses homologues pour réorienter l’Europe vers plus de croissance et de protection économique.
Malheureusement la politique est cruelle et ne raconte que très rarement ce type de conte de fée. On peut aussi penser que Ségolène traitera Jean Pierre avec la même considération qu’elle a traité ses précédents ralliements et qu’elle continuera sa campagne en solo avec son sourire virginal et ses formules creuses.
En tout état de cause, une telle alliance posera problème à Ségolène avec ses soutiens traditionnels au PS. Certains européïstes ont déjà commencé à s’émouvoir de ce rapprochement avec le champions des non aux traités européens. Certes, vous allez me dire, les socialistes n’auront pas d’autres choix que suivre. Certes, mais Ségolène Royal devra quand même veiller à préserver l’unité de sa famille politique. On ne peut pas faire la synthèse entre le oui et le non par une simple accolade !
L’avenir dira si cette prétendue alliance politique se traduira dans le discours de la candidate. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas sa récente sortie devant le PSE sur l’euro cher et « l’Europe des gens » qui peut constituer une preuve.
Un élément permet d’en douter. Au sein du PS, il y a déjà des voix qui réclament une plus grande protection économique et une réorientation de l’Europe, et pas des moindre: Montebourg, Fabius, Emmanuelli. Pour l’instant, ces voix n’ont pas tellement trouvé d’échos au sein du discours de la candidate. Pourquoi alors, Ségolène Royal s’appuierait-elle plus sur JPC que sur les cadres du PS qui avaient appelé à voter non ?
Un ralliement à finalité politicienne ?
L’intérêt à court terme de l’accord pour Jean Pierre Chevènement et le MRC ne fait pas de doute. Il lui garantit tout simplement sa survie. Je conserve trop de respect pour JPC pour considérer qu’il s’agit là de la principale motivation de son ralliement.
En revanche, la question est plus intéressante du point de vue socialiste. A supposer que Ségolène voudrait progressivement adopter les thèses du non au TCE, quel intérêt aurait-t-elle de s’appuyer sur un porte voix du Non situé à l’extérieur du PS, plutôt que sur les nonistes de son propre parti ?
Une réponse s’impose. Ségolène à entrepris de mettre sur la touche tous les éléphants et de casser le PS pour faire un nouveau congrès d’Epinay après l’élection, et fonder une « UMP de gauche » toute dévouée à la nouvelle présidente.
Elle aurait pu commencer l’union du premier tour avec les verts, ce qui aurait été plus facile, mais moins intéressant sur le plan tactique. Faire entrer des verts dans sa garde rapprochée, n’aurait pas été aussi déstabilisant pour le PS. N’ayons pas de Ségolène Royal une vision trop angélique. Elle reste une politicienne formée auprès de Mitterrand. Une tueuse.
JPC instrumentalise en fait Ségolène autant qu’elle l’instrumentalise. Ils sont tous les deux liés par un même intérêt, casser le PS pour le fondre dans un grand mouvement de gauche, l’une pour s’en assurer le contrôle, l’autre pour lui permettre d’y retourner avec ses troupes.
Une décision d’abandon très personnelle ?
La dernière explication du ralliement est la plus simple. JPC ne se sentais pas le courage et l’énergie pour une nouvelle campagne. Elle ne prenait pas. Il devait avoir des difficultés à réunir ses signatures. Il était peut-être aussi soutenu trop mollement par ses amis du MRC. Il devait souffrir de sa ghettoïsation médiatique et craindre de véhiculer toute la campagne une image de diviseur et d’allié objectif de Le Pen. Bref, il n’en avait pas très envie.
JPC nous en donne un indice dans son texte d’hier lorsqu’il écrit, dans un cri du cœur
« J'entends les objections de ceux qui auraient voulu que nous nous battions jusqu'au dernier sang, le mien bien évidemment, pour faire entendre une voix originale ».
Ce motif est bien évidemment tout à fait compréhensible et tout à fait respectable, et c’est finalement celui qu’on a envie de retenir.
Le soutien de "ses amis du MRC" avait peut-être été douché par la manière dont Jean-Pierre Chevènement a décidé sa candidature, qui contrevenait à la règle qu'ils avaient fixée.
Rédigé par : Playtime | 15 décembre 2006 à 22:33
Bon, vous savez que nous divergeons radicalement sur ce point de vue. ^^
Un accord présuppose que les deux parties fassent un pas l'une vers l'autre, et il était évident que le PS ne se rallierait pas à l'intégralité des thèses du MRC.
Compte tenu du poids respectif des deux partis, j'estime que le compromis est satisfaisant.
Dans la mesure où il sera respecté, je le soutiendrai donc loyalement et activement. Dans le cas contraire, il est évident que je reprendrai ma liberté...
Rédigé par : les Réactionnels de Gauche | 17 décembre 2006 à 15:30
Le retrait de Jean-Pierre Chevènement - 10 décembre 2006
Ce n’est qu’une demi-surprise que d’apprendre aujourd’hui le ralliement de Jean-Pierre Chevènement à Ségolène Royal, qui est donc aussi celui du MRC au PS.
Du point de vue de JPC c’est certainement un calcul qui peut se tenir : étant donné que son tropisme fondamental est de chercher à conseiller un chef de parti susceptible de gouverner, il a peut-être en effet, avec S. Royal, un leader politique moins structuré et donc plus susceptible de l’écouter, que ce ne fut le cas avec Mitterrand et Jospin.
Mais du point de vue de la politique de notre pays cela ne change rien, car voilà 40 ans déjà que JPC échoue dans cette tentative, et on ne voit pas pourquoi et comment le PS de 2007 accepterait soudain les politiques qu’il a toujours réfusé, ni pourquoi les éléphants cèderaient à l’homme qu’ils accablent depuis le 21 avril 2002 comme étant le responsable de l’échec de Jospin au premier tour. Ils feront peut-être des concessions du bout des lèvres, pendant la campagne, mais au pouvoir, vu les états de service gouvernementaux de ce parti, ses positions sur le référendum sur la "constitution européenne", la teneur des récentes primaires, et tant d’autres points, on peut légitimement en douter !
Source: http://www.plateforme2007.net/spip.php?breve1
Rédigé par : Plateforme2007 | 16 janvier 2007 à 17:29