« Des Jury populaires de citoyens tirés au sort pour comparer les promesses aux résultats et permettre que les élus rendent compte de leur action à intervalles réguliers devant le peuple ». Cette dernière proposition de Ségolène Royal suscite une polémique comme aucune autre auparavant. Il faut dire que l’audace du propos n’a d’égal que sa démagogie.
Je ne commenterais pas le populisme évident de cette proposition et les arrières pensées qu’il véhicule sur la corruption morale de la classe politique, sous entendu masculine, et par opposition, la virginité de Sainte Ségolène, nouvelle incarnation du petit peuple qu’elle voudrait libérer du joug politique comme Jeanne d’arc voulait chasser l’envahisseur anglais.
Je ne m’étendrais pas plus sur sa stratégie très « sarkosyste » : provoquer tous azimut pour préempter le débat et apparaître comme un vecteur de renouveau, l’essentiel étant de faire parler de soi. On y gagne assurément la gratitude des médias, avides de petites phrases et de sensationnel, mais y gagne t-on la stature d’un présidentiable, qui fait tout de même largement défaut à l’une comme à l’autre ?
Je passerais également sur la passion de Ségolène pour la « démocratie participative » et la prétendue expertise populaire qu’elle reconnaît à tous, y compris à des citoyens tirés au sort ! Habituellement le concept de démocratie participative évoque l’association de militants associatifs, des responsables syndicaux, ou des représentants d’institution de la société civile. Il y a là un saut qualitatif majeur puisqu’elle parle maintenant de tirage au sort. L’abstentionniste forcené se trouverait désormais à égalité avec le professionnel de la chose publique !
Les commentaires sur ce mode sont et seront nombreux. Le sujet est trop riche pour commenter tous les aspects de cette déclaration. Je préfère me centrer sur le fond de cette proposition, réfléchir sur ce qu’elle dit du fonctionnement de notre démocratie.
Ségolène a raison sur le diagnostic qui sous tend sa proposition. Notre démocratie représentative fonctionne mal, qu’il s’agisse du niveau national ou du niveau local. Comme l’avait théorisé Pasqua, « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Elles ne sont du reste jamais formalisées dans un document solennel qui pourraient engager le politique et servir de base à une évaluation de son action. L’opposition ne sert à rien. Quand elle s’exprime, ce n’est généralement pas sur le fond, les résultats de la politique ou ses effets pervers, mais sur ce qu’évoque la mesure envisagée dans le champ symbolique et idéologique. L’évaluation des politiques publiques reste encore très embryonnaire. Elles sont d’ailleurs très souvent rigoureusement inévaluables, faute d’être fondées sur un diagnostic préalable et construites en fonction de résultats à atteindre et d’indicateurs. Les contrôles sont faibles, limités à la légalité ou à la constitutionnalité, et quand ils existent, ils ne sont d’aucun effets. Enfin, jamais les campagnes ne se jouent sur une analyse objective et contradictoire du bilan de la majorité sortante, sinon jamais la Gauche n’aurait emporté en 2002 21 Région sur 22 ! Personne n’a D’ailleurs prétendu que la droite avait géré ses régions de manière calamiteuse entre 1998 et 2004, alors que les élus de gauche les auraient, eux, gérés de manière exemplaires.
Il y effectivement quelque chose à inventer pour faire accroître la pression du réel et des résultats sur le personnel politique. Il peut effectivement être utile de réfléchir à une mesure institutionnelle qui les contraindrait à consacrer plus d’énergie à l’exercice du pouvoir qu’à sa conquête ou sa sauvegarde. Inciter les gouvernants à mieux se consacrer aux moyens de développer leur territoire et de régler les problème et moins au jeu politique fait de postures, de positionnement, de calculs tactiques, et d’entretien de clientèles. Faire en sorte que la démocratie ne se limite pas à une légitimation formelle des gouvernants par l’élection, qu’elle ne soit pas qu’un pouvoir PAR le peuple, mais aussi – et surtout - un pouvoir POUR le peuple. A mon sens, le enjeu ne se situe pas tant dans la représentativité du personnel politique, mais dans l’intelligence et l’efficacité des politiques publiques. J'ai quelques idées en la matière ...
Personnellement, j’en ai plus qu’assez que les politiques, lorsqu’ils sont interpellés sur l’absence de résultats de leur politique répondent sur le montant des crédits dépensés. « Vous n’avez rien fait pour les banlieues, rien n’a changé » « Je ne vous permets pas ! Nous avons dépensés tant de milliards de Francs, créer tant de postes, mis en place tel dispositif, voté telle mesure … ». Et alors ? pour quels résultats ?
Avant de songer à contrôler l'action des élus, il faut déjà restreindre leur liberté de décision par des règles de procédure et de méthodes. Cela s'appelle au niveau national, une constitution. Malheureusement les collectivités locales en sont dépourvues. Il s’agit d'une condition préalable à tout contrôle effectif des exécutifs par leur opposition et les citoyens.
Les affaires du pays, comme de nos territoires, ont atteint aujourd’hui un tel degré de complexité, que qu'une action publique efficace et intelligente exige de respecter un processus méthodique, progressif et contradictoire. Nul n’est par essence dépositaire de l’intérêt général. Pas plus le politique qui se croit trop souvent bénit par l’onction du suffrage universel, que le simple citoyen qui disposerait d’une expertise innée sur l’ensemble du champ de la chose publique.
Ségolène cultive aussi son image "mariale"! En effet, sur son site internet de campagne, le "bleu marial" domine. On n'y voit pas la rose socialiste. Ceci est d'autant plus choquant que la campagne électorale ne devrait concerner que les militants.
Rédigé par : Constantin | 02 novembre 2006 à 11:06