En cette journée internationale de la Femme, il est de bon ton de s’interroger sur la place et l’apport des femmes en politique. La candidate socialiste n’a d'ailleurs pas résisté à la tentation de récupérer l’évènement en mettant une nouvelle fois sa féminité en avant. Elle vient encore de déclarer lors d’un meeting à Dijon qu’avec elle « la politique ne sera plus jamais comme avant » ! Rien que ça …
Je me souviens d’une épreuve orale d’un concours administratif que j’avais passé pendant les années Jospin, où j’avais tiré comme sujet « comment faut-il faire pour qu’il y ait plus de femmes en politiques » Très provocateur, j’avais souhaité commencer mon exposé par une autre question « Faut-il plus de femmes en politiques ? » Ou autrement dit qu’est ce que l’exercice féminin du pouvoir a t-il de substantiellement différent de l’exercice masculin.
A l’époque, je ne voyais pas de différences et donc, pas d’intérêt à mettre en place des quotas pour favoriser l’accessibilité des femmes en politiques. La parité ne pouvait que développer la médiocratisation de la classe politique en assurant la promotion d’élus pas nécessairement compétents ou motivés. J’ai changé de point de vue sur cette question sous l’influence d’Eric Zemmour et son essai « le premier sexe »
Oui, il y a bien un exercice du pouvoir typiquement féminin. L’enjeu réside toutefois plus dans la manière d’exercer le pouvoir que dans le sexe de celui qui l’exerce, les deux n’étant d'ailleurs pas toujours lié.
Schématiquement, le pouvoir au féminin se légitime par l’amour et le sentiment d’unité, voire de symbiose, qu’il suscite entre le gouvernant et les gouvernés. Il fonctionne au consensus, à la participation, à la négociation. Le chef évolue avec ses subordonnés dans un processus d’échange mutuel. L’exercice féminin est essentiellement un processus permanent d’adaptation et d’ajustement. Les enfants font la mère autant que la mère éduque les enfants. Dans ce modèle, l’autorité n’est pas rejetée, mais elle n’est pas naturelle. Elle s’exprime au coup de gueule ou sous forme d’argument d’autorité. C’est ce qui explique pourquoi les femmes de pouvoir qui fonctionnent au charme sont très souvent sujettes à l’autoritarisme avec leurs collaborateurs (ton cassant, recherche de l’humiliation …)
L’exercice masculin est au contraire fondé sur l’autorité et le savoir. Nul besoin d’ailleurs de les justifier en permanence. L’autorité ne se négocie, ni ne se partage, ni même ne se revendique. Elle est. Comme un élément naturel appartenant à l’ordre des choses. Le pouvoir masculin guide ses sujets sur la voie d’un avenir qu’il a tracé pour eux. L’exercice masculin est d’essence beaucoup plus conflictuelle et duale. Un fils se construit en s’affrontant à l’autorité du père. C’est ainsi qu’il conquiert sa liberté et sa capacité de penser par soi même pour devenir à son tour un père.
Autre différence, l’exercice féminin ne distingue pas entre les différents aspects de l’être. Il l’appréhende comme un tout, sans distinguer entre la personne publique et la personne privée ou entre l’affectif et l’intellect. Une femme va ainsi être beaucoup plus à l’écoute des petits problèmes personnels de ses collaborateurs, sa vie de famille et de ses baisses de moral. L’homme, lui dira plus volontiers de laisser ses états d’âmes à la maison. L’exercice masculin tend au contraire à séparer un individu en de multiples facettes indépendantes les unes des autres : collaborateur sur le plan professionnel, citoyen dans la sphère politique, homme sur le plan privé. C’est ainsi qu’en fonctionnant avec un fragment de son être, il est sujet à l’esprit de système, au dogmatisme, à la raideur intellectuelle. L’esprit féminin, tout au contraire est d’essence pragmatique et pratique.
La thèse de l’essai d’Eric Zemmour est que la révolution soixante-huitarde et ses prolongements féministes ont tout à la fois, détruit l’idée même d’autorité et le principe masculin. En tout domaine, aussi bien en politique que dans la vie privée ou l’entreprise, le principe féminin est désormais dominant. On peut d’ailleurs très aisément greffer le logiciel « Toddien » a cette analyse en considérant que le développement de l’éducation a renforcé l’individu au point qu’il n’est plus possible d’exercer sur lui la moindre contrainte non consentie.
La toute puissance du principe féminin offre une grille d’interprétation extrêmement riche des évolutions de la politique autant que des rapports économiques et sociaux. On peut voir ainsi dans la disparition du principe d’autorité l’origine de nombreux désordres et l’explication de beaucoup d’évolutions récentes de nos sociétés. Elle peut aller jusqu’à expliquer la dérive technocratique de l’Europe (les gouvernants n’osant plus exercer leur autorité l’ont délégué à une structure lointaine et impersonnelle) comme la financiarisation de l’économie (le patron n’osant plus affirmer son pouvoir et ses intérêts, s’est mis dans la main d’actionnaires anonymes avec qui il a partie liée) …
Il serait tentant de disqualifier la thèse en traitant son auteur d'infâme réactionnaire et de machiste borné. Le propos est cependant beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît, car Zemmour considère en conclusion du premier sexe que les hommes sont les principaux bénéficiaires – pour ne pas dire les seuls – de cette évolution. Elle leur a permis de se débarrasser du rôle de salaud et de tyran qu’ils assumaient depuis des millénaires et du « fardeau qu’ils ont entre les jambes » Ce ne serait donc les hommes, bien plus que les femmes, les principaux responsables de cette évolution. Il ne s’agit donc pas d’une guerre des sexes mais d’un conflit de deux principes.
Ainsi, dans un curieux mouvement de balancier, on assiste aujourd’hui à un réinvestissement de la valeur d’autorité par les femmes. Dans les familles, dans les couples et dans la politique, où l’on voit la championne de la féminité en politique se réclamer de « l’ordre juste »
Le choix entre le principe masculin et le principe féminin ou la recherche d'un équilibre entre les deux est au cœur de l’enjeu de la présidentielle 2007. Si elle ne propose qu’un choix de société, c’est celui là. Non pas le choix entre un homme et une femme, mais entre deux conceptions du pouvoir.
D’un coté Ségolène Royal propose un pouvoir caricaturalement féminin, fait d’écoute, de participation et de proximité, une république modeste s’attachant aux questions de vie quotidienne des français, un Etat maternant, hyperprotecteur et ayant réponse à toutes les demandes sociales, y compris dans leur aspect intimes.
De l’autre Nicolas Sarkozy propose une vision tout aussi caricaturalement masculine, une république aux forts accents impériaux, une présidence toute puissante, un Etat recentré sur ses fonctions régaliennes qui veut faire accéder la société de gré ou de force dans la modernité libérale et la mondialisation, et même une gouvernance ne craignant plus ni la provocation ni le conflit.
Entre les deux pôles se situe Bayrou. Du principe féminin, il retient l’union nationale, une république fonctionnant sur la base du consensus et du compromis, une gouvernance modeste et douce. Du principe masculin, il retient l’autorité du réel et de la raison contre tout esprit excessivement volontariste, la soumission à l’exigence de réforme et de modernisation.
Dans la psyché humaine, un couple ou une famille, les principes masculins et féminins doivent coexister et trouver leur complémentarité. Il en va de même dans l’organisation sociale et en politique. Tout excès en faveur d’un des deux principes entraîne un retour violent de l’autre.
Il n’est aujourd’hui plus possible de gouverner la société à coup de trique comme Juppé l’a fait en 1995 ou Villepin avec son CPE. C’est d’ailleurs pourquoi Sarkozy reste aussi anxiogène. Considérer pour autant que la société souhaite être entretenir avec ses gouvernants une relation symbiotique et qu’elle n’attend d’eux essentiellement des paroles d’amour et de la protection serait tout aussi excessif.
C’est pourquoi Ségolène baisse depuis son entrée en campagne. L’émergence du phénomène s’est appuyée sur le mouvement de fond qui a assuré en toute chose l’hégémonie des valeurs féminines. Il ne restait que l’Etat à conquérir. Ségolène proposait de mettre la politique au diapason du reste de la société. L’idée a été fût un temps considérée comme sympathique et un facteur de renouveau. Mais, en se rapprochant de plus en plus de l’échéance, la société se rend compte que le pouvoir politique est, en fait, d’essence masculine, et qu’elle ne peut pas installer une super maman à l’Elysée.
La société est actuellement à la recherche de l’équilibre entre ces deux principes. Actuellement c’est Bayrou qui l’incarne le mieux, mais les deux autres candidats peuvent très bien rééquilibrer leur image en s’associant avec une personnalité incarnant mieux l’autre principe. Ségolène en faisant ticket avec un homme doté d’une architecture intellectuelle bien structurée (Chevènement ou Strauss kahn). Sarkozy avec une personnalité connue pour ses rondeurs et son esprit de conciliation (Raffarin ou Borloo) ... mais l'un et l'autre ont-ils compris que leur hyperpolarisation sexuelle constituait l'une de leurs principales faiblesses ?
Une analyse lumineuse, comme d'habitude !
La politique française aurait bien besoin de quelqu'un comme vous.
Rédigé par : Xavier | 09 mars 2007 à 10:17
Quel compliment !! mais dans quel parti adhérer ? ;-)
Rédigé par : Malakine | 09 mars 2007 à 10:26
La preuve de ce vous dites :
http://www.lefigaro.fr/election-presidentielle-2007/20070309.FIG000000221_face_a_la_montee_de_bayrou_la_candidate_socialiste_sort_la_carte_strauss_kahn.html
Rédigé par : Xavier | 09 mars 2007 à 10:33
Aucun, personnellement, je serais assez tenté par un compagnonnage de route avec Nicolas Dupont-Aignan qui, même si je ne suis pas d'accord sur tout avec lui, me semble un des rares responsables politiques sensés.
Sinon, l'autre solution est de créer un mouvement autonome.
Rédigé par : Xavier | 09 mars 2007 à 10:38
Pour faire le pendant à l'opération Ségo-DSK, Sarko a embauché Simone Veil; ça me fait de la peine pour cette femme respectable, c'est la vie !
Bayrou, lui, a intérêt à se muscler un peu, à mon avis.
Rédigé par : Xavier | 09 mars 2007 à 10:41
Où l'on retrouve les "femmes sujettes à l'autoritarisme" et les hommes simplement autoritaires !
Il n'est pas nécessaire d'affirmer en plus que "le pouvoir est par essence masculin" pour que, contrairement à Xavier, je trouve ce billet à la fois rétrograde (réf à Zémour oblige) et pas forcement lumineux.
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 10 mars 2007 à 13:26
@pmf
Quand la modernité se définit par la confusion des genres et l'homoparentalité, affirmer que le principe masculin se distingue du principe féminin, c'est effectivement rétrograde. Vous pouvez même dire réactionnaire ...
Quant aux femmes de pouvoir sujettes à l'autoritarisme, je vous invite à en parler à quiconque à travaillé avec des femmes comme ségolène royal, martine aubry ou dominique voynet. Ils pourront vous le confirmer. En ce qui me concerne,j'ai connu et je peux en témoigner !
Rédigé par : Malakine | 10 mars 2007 à 15:56
@ Malakine,
- Et vous n'avez jamais rencontré des hommes sujets à l'autoritarisme ?
- Et vous ne vous êtes jamais demandé en quoi la mise en cause constante de leur compétence par les mecs pouvait conforter ce comportement ?
Bref, vous avez le droit à votre opinion sur ce sujet. Mais je trouve dommage que ce préjugé trouble vos analyses.
Pour ma part, je n'ai pas fréquenté ces élues et je ne peux vous contredire sur ces cas particuliers. Dans les rapports hommes/femmes en entreprise je n'ai pas cette expérience négative et surtout dans la vie quotidienne j'ai très souvent constaté combien les femmes, par une attitude que je qualifierai de plus pédagogique, savaient, contrairement aux hommes, maintenir avec les adolescents le dialogue nécessaire.
PMF
PS : amusant de constater que même votre inconscient vous amène à ne pas mettre des majuscules aux noms et prénoms de ces 3 "femmes de pouvoir". ^^
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 11 mars 2007 à 09:33
Comme l'on dit souvent l'age ne fait rien à l'affaire....
On pourrait reprendre l'idée pour le sexe.
Personnellement, je suis professionellement parlant sous les ordres d'une femme, cela ne me pose aucun problème, et il sagit d' une femme d'autorité.
Auparavant j'ai connu ds mon parcours des autorités masculines.
Je n'en tire aucune conclusion définitive, ou jugement sur les capacités des uns et autres à assurer les fonctions d'autorité.
Je pense que chacun en fonction de sa personnalité peut préferer l'un ou l'autre.
Pourquoi nier par exemple que l'exercice du pouvoir femme sur homme, (qui peut parfois s'accopmpagner d'un petit jeu de séduction ou de charme réciproque), n'est en rien comparable aux abus d'autorité voir plus (j'espère que tout le monde comprendra ce que je sous entends)que la réciproque connait souvent?
Rédigé par : chavinier | 11 mars 2007 à 10:16
@ pmf
Ces préjugés ne troublent pas l'analyse. Ils en sont à la base ! :-)
Je parlais bien de femmes de pouvoir et non pas des femmes dans la vie professionnelle en général. J'ai également eu des femmes chef, et cela sans aucun problème ... J'ai même dit dans l'article qu'elles étaient plus ouvertes et plus souples. En revanche, les femmes politiques, je déconseille à tout le monde, à moins d'être sérieusement blindé sur le plan émotionnel!
Rédigé par : malakine | 11 mars 2007 à 12:55
@malakine
De cas particuliers tu ne peux généraliser!!
Peut-être que pour se faire admettre et respecter une femme doit forcer le trait!
Un peu d'indulgence!
Rédigé par : castor | 11 mars 2007 à 21:30