HORIZONS

Malakine en campagne

RST a raison de me rappeler à mes obligations et à mes engagements de début d'année, mais les circonstances sont exceptionnelles. Certains le savent déjà, je suis engagé depuis plusieurs mois dans une campagne pour les élections municipales. A Belfort, pour le compte de Christophe Grudler, puisque ce n'est plus vraiment un secret. On entre dans la dernière ligne droite et, là, désolé, je n'arrive plus à concilier le blog et mes activités de Guaino en herbe.

Je suis actuellement en train de rédiger le projet que nous devrons rendre public dans 15 jours. Ceux qui me lisent régulièrement doivent bien se douter que je ne me contenterais pas de quelques formules slogans mises bout à bout sous forme de tirets. Je prends la politique au sérieux et je veux toujours croire à l'intelligence du citoyen. Question d'éthique républicaine. Je veux écrire un vrai projet, avec diagnostic de la situation de la ville, bilan de la majorité sortante, la centaine de propositions détaillées et classées dans un joli plan, le tout parsemé avec un peu d'idéologie "civilisationniste" ou de considérations théoriques très malakiniennes sur le développement des territoires industriels à l'heure de la mondialisation ou les ravages de l'individualisme.

Rapport Attali ou la fin de la démocratie

Le discours qui le sous tend le rapport Attali a été mille fois lu. Il est dans une parfaite orthodoxie libérale-mondialiste : La France a pris du retard, elle doit se réformer en profondeur, mieux s’insérer dans l’économie mondiale, et ainsi elle rejoindra les pays qui bénéficient des formidables opportunités offertes par la mondialisation ... … 

Cependant le rapport vaut mieux que le préchi-précha réformateur du chapitre introductif. Il contient beaucoup de propositions intelligentes et de bon sens qui n’ont absolument pas besoin d’être mises dans une perspective de la sacro-sainte "’adaptation à la mondialisation" pour pouvoir être reconnues comme pertinentes. Le volet sur la réforme de la gouvernance est en particulier remarquable, bien plus moderne et innovant que celui de la commission Balladur en sur la réforme des institutions. Il faudra que je prenne le temps d'y revenir en détail car cette partie du rapport est vraiment révolutionnaire. 

L’intérêt majeur me semble toutefois résider dans l’incroyable dérive qui le caractérise. La commission ne s’est absolument pas cantonnée à rechercher les blocages de la croissance et les solutions qui pourraient les faire sauter. Elle a établi un programme politique global sans même faire semblant de rattacher ses propositions à l’objectif de « libérer la croissance ». 

DSK : Objectif Matignon ?

Le retour de Dominique Strauss Kahn lors du dernier forum de la rénovation du PS a surpris bien des commentateurs, y compris parmi ses proches. Pierre Moscovici qui se voyait déjà comme l’héritier du courant strausskahnien, et à ce titre candidat au poste de premier secrétaire du PS, a même déclaré ce matin sur RTL qu’une stratégie de retour pour 2012 ne serait « pas digne de lui » et qu’en tout état de cause, elle passait par une réussite dans ses fonctions de directeur du FMI. 

Décidément avec la pression médiatique, les traversées du désert et les mises en réserves de la république se font de plus en plus courtes. Dominique Strauss Kahn a probablement eu peur de rester trop longtemps en dehors de l’actualité et d’être « oublié » dans le cadre de la primaire socialiste pour 2012 qui a d’ores et déjà commencé.

Mais on peut aussi donner une autre interprétation, plus audacieuse, à ce retour prématuré en y voyant un lien avec la crise mondiale qui se profile. 

Crise des subprimes acte 3 : Le Krach

Ca y est, cette fois la crise est là. Elle était annoncée depuis des mois. Les tenants de la méthode coué ont perdu la partie. Plus personne ne croit aujourd’hui à la capacité de l’économie américaine de se redresser grâce à sa légendaire adaptabilité. Il y a plus personne pour soutenir que la crise des subprimes n’était qu’une crise de liquidité. On commence à voir le système économique mondial s’effondrer sous nos yeux, ce qui explique la panique qui est en train de gagner les bourses du monde entier.

La crise actuelle vient de loin prend sa source dans les déséquilibres économiques mondiaux qui ne faisaient que s’accentuer. J’en avais analysé les causes au cœur de l’été au moment de l’éclatement de la crise. Inutile d’y revenir en détail.  Rappelons seulement que l’économie mondiale est alimentée depuis des années par de la fausse monnaie. En schématisant, on peut dire qu’elle est tirée par la consommation américaine, laquelle est financé par l’endettement extérieur, lequel est gagé sur des valeurs surévaluées : la puissance américaine pour ce qui concerne l’endettement public et les cours de l’immobilier américain pour l’endettement privé.

Bartabas le barbare ou la dérive des politiques culturelles

Ce n’était à l’origine qu’un fait divers pathétique et drôle. Le cavalier Bartabas après avoir appris que sa subvention pour 2008 serait légèrement inférieure à ses attentes a dévasté les locaux de la DRAC d'Ile de France. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais le coup de sang de l’artiste a connu ces derniers jours des prolongements inattendus. Au lieu de s'excuser de son acte de vandalisme, l’artiste s'est ensuite posé en victime et a exigé des excuses publiques de la part de la ministre de la Culture pour le « mépris » dont son administration se serait rendue coupable à son égard. 

L’affaire s’est ensuite étendue dans la sphère intellectuelle avec tout d’abord avec Alain Finkelkraut pour qui ce fait divers est une illustration de la dé-civilisation de notre époque. Michel Onfray a suivi en défendant la rébellion de Bartabas au nom d’un espèce de droit à l’insurrection dont disposeraient tous les artistes méconnus et méprisés. Le philosophe de la gauche libertaire s’est même offert le plaisir d'une habile provocation en retournant l'accusation de barbarie sur le pouvoir en place au nom de l’inculture patente du président. 

La ministre de la culture, de son coté s’est très sagement bien gardé de donner trop de publicité à cet incident. Mme Albanel craignait probablement que transparaisse avec trop d’évidence l’arrogance et la prétention des gens de culture qu’elle a pour profession de nourrir, comme de laisser à penser que l’Etat se laisse rançonner par des artistes au moi boursouflé .

"Petit frère" d'Eric Zemmour ou le récit d'une France en lambeaux

Eric Zemmour ne fait pas dans le politiquement correct. Dans ses chroniques, ses essais ou ses interventions télé, il s’illustre toujours par des idées et des analyses en décalage avec la pensée de l’époque. Il y dénonce régulièrement la mondialisation libérale, la perte de souveraineté, l’affaiblissement du politique, l’héritage de mai 68, la libération des mœurs, la féminisation de la société, le droit de l’hommisme, l’antiracisme, le communautarisme et l’immigration de masse. C’est un réac assumé, le représentant le plus abouti de la droite anti-libérale. 

Son dernier essai « Le premier sexe » où il tirait à boulets rouges sur les dérives du féminisme, ou plus exactement, sur le renoncement des hommes à défendre leur masculinité, avait déjà fait polémique. Son bouquin était pourtant réjouissant et brillant. Il y rappelait quelques vérités salutaires sur la dualité des sexes et proposait une grille d’interprétation assez puissante des grands maux de notre époque, de la crise des banlieues à celle la représentation, jusqu’aux problèmes de couple. 

Pour son dernier essai, Eric Zemmour a choisi la forme du récit romancé. « Le Petit frère » n’est ni un roman, ni une enquête sociologique, ni un récit de l’évolution idéologique de la génération soixante huit, ni un essai proprement dit. Il est tout cela à la fois. On y retrouve tous les combats d’Eric Zemmour, avec le thème de la désagrégation de la nation française comme fil directeur.

Réforme de la carte administrative : Attention voie sans issue !

Le Figaro a révélé la semaine dernière que la commission Attali s’apprêterait à proposer la suppression des départements et le regroupement des 36000 communes en 6000 nouvelles entités. Le chantier que cette réforme représenteraient serait colossal. La nécessité de simplifier et de rationaliser l’organisation administrative du pays est un point qui fait consensus dans presque toute la classe politique et les acteurs des territoires.

Cependant, dans ce consensus, il y a une grande part d’idées reçues alimentées par les géographes en herbe pour qui la décentralisation se limite au tracé de patatoïdes sur la carte de France : Trop d’échelons d’administration, trop de communes, les départements sont ringards, les régions sont trop petites … Malheureusement, la commission Attali vient de reprendre à son compte tous ces clichés dans une proposition qui se veut choc.

Trop simpliste dans sa formulation, trop compliquée à mettre en œuvre et trop agressive à l’égard de la corporation des notables locaux, cette réforme ne verra certainement jamais le jour. Le gouvernement aurait trop de coups à prendre pour un bénéfice immédiat quasi nul. La proposition est donc mort née. Il n’y a pas vraiment lieu de le regretter, car l’urgence se situe ailleurs. Il y a bien d'autre chantiers à ouvrir pour améliorer une décentralisation qui n'est, ni fait ni à faire, avant de revoir la carte administrative.

A ceux que le Sarko-show insupporte …

Lors de sa conférence de presse de début d’année, Sarkozy a fait beaucoup d’annonces, dont la plupart méritent l’attention. Je veux bien que les développements autours de l’idée de la politique de civilisation n’intéressent que ceux qui, comme moi, ont un intérêt marqué pour la doctrine politique, mais il y avait tout de même du grain à moudre pour les chroniqueurs politiques : Refonte des modalités de calcul de la croissance, suppression de la publicité sur les chaines publiques, modification de la constitution pour permettre la discrimination positive, développement de la participation dans les entreprises, refonte des programmes de l’école primaire, création d’un « grand Paris », mise en place d’instruments pour un protectionnisme financier …

Malgré la richesse du contenu, la quasi-totalité des commentaires le soir même a porté sur l’organisation de la conférence de presse, l’attitude de Sarkozy, la manière dont il a répondu aux journalistes. Certains pour juger le président très détendu et au meilleur de sa forme. D’autres pour dénoncer un nouveau one man show. Naturellement, les annonces qui ont été le plus commentées dans les médias ont porté sur l’annonce d’un probable mariage avec Carla Bruni et le « droit au bonheur » que revendique le Président.

La journée d’hier a fait encore monter d’un cran la pipolisation du commentaire politique avec deux nouvelles essentielles qui ont défrayées la chronique : Le président se serait fait opérer d’un truc bénin à la gorge sans en informer la presse, et les règlements de compte de Cécila Sarkozy, qui au travers de trois ouvrages à paraître, descend en flamme son ancien mari !

Service public de l’audiovisuel ou politique « civilisationnelle » de la télévision ?

La proposition de Sarkozy de supprimer la publicité sur les chaines du « service public » est probablement l’annonce la plus forte de sa conférence de presse de ce matin. Elle sera probablement saluée comme allant dans le bon sens par tous les commentateurs, en particulier par les gens de gauche qui voudront y voir un recul de la sphère marchande et un retour d’une télévision 100 % publique, débarrassée de toute publicité.

Le fait que la nouvelle ait été saluée par les bourses par une forte augmentation du cours des actions de TF1 et de M6 les conduira peut-être à relativiser leur première réaction d’enthousiasme. On peut en effet voir dans cette annonce autant une volonté de renforcer la rente de situation des télévisions commerciales, que de consolider le "service public"

Les élections locales sont-elles des élections politiques ?

« Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage » nous dit l’article 4 de la constitution. En jouant le rôle de médiateur entre le citoyen et le candidat, les partis permettent de donner un sens au vote. Sans les partis, les élections deviendraient des farces à l’américaine, où le choix ne porterait que sur la personnalité des candidats. A ce titre, les partis assurent une mission d’intérêt général au service de la démocratie, ce qui justifie l’attribution de fonds publics.  Cela c’est la théorie.

En pratique, on peut de plus en plus s’interroger sur le rôle d’intermédiation des partis. Il n’y a guère qu’aux élections législatives où l’étiquette donne un sens politique au vote. A l’élection présidentielle, selon la mythologie Gaulliste, le parti s’efface derrière le candidat et sa personnalité. Quant aux élections locales, l’étiquette apparaît comme une véritable escroquerie. Même si elle est souvent déterminante dans le résultat final, elle est dépourvue de contenu politique. L’ouverture, les débauchages et les alliances à géométries variables que l’on constate un peu partout aux élections locales sont un formidable révélateur de l’absence totale de doctrine des partis pour les questions qui se jouent au plan local.

La politique aujourd’hui, c’est penser sans agir à Paris et agir sans penser dans les territoires. A trop s’être répéter comme un mantra « Penser global, agir local », les politiques de tous les bords ont finit par oublier que le local aussi doit être pensé et que les questions qu’il pose peuvent aussi créer des clivages.